Saturday, December 26, 2009

LA POMME, LA QUEUE ET LES PEPINS (1974) ou "l'exploitation d'érotisme"

Les années 70s nous ont donné un grand nombre de comédies psychotroniques mal foutues caractérisées par « l’exploitation d’érotisme” (comme on pouvait le lire dans le TV Hebdo) et l’humour grivois. Mais le Québec n’est pas en reste ! Un homme ici a réussi, à lui seul, à donner au cinéma québécois ses œuvres “comiques” les plus vulgaires, les plus aberrantes de mauvais goût, et cet homme s’appelle Claude Fournier.

Dans un Québec en pleine révolution tranquille, Fournier a eu l'idée d’exploiter le filon en offrant au bon peuple ce que la religion catholique lui interdisait depuis trop longtemps. C’est probablement la seule raison qui explique l’étonnante popularité de ces navets aux scénarios débiles (et techniquement horribles) que sont LES DEUX FEMMES EN OR (1970), LES CHATS BOTTÉS (1971) et LA POMME, LA QUEUE ET LES PÉPINS (1974). Tous sont devenus des films cultes depuis (les deux derniers étant particulièrement difficiles à dénicher même dans les clubs vidéos les plus spécialisés).

Au fil des années, de nouvelles générations de jeunes cinéphiles québécois se sont approprié des extraits de ces petits chefs-d’œuvre pour les faire connaître à un nouveau public. Au début des années 90s, alors que le phénomène du Scratch-Vidéo (montage d’extraits de films et d’émissions de TV, voir ici) prenait de l’ampleur à Montréal, des soirées Scratch-Vidéo organisées dans des bars de Montréal par le collectif de Scratch-vidéastes NOS AMIS LA TV (qui comprenait Patrick Masbourian, André Lavoie (maintenant réalisateur de l’émission INFOMAN), Jean-François Boucher, François Chicoine et Dany Lavoie) ont permis la présentation publique de scratch-vidéos comportant de nombreux extraits du film culte LA POMME, LA QUEUE ET LES PÉPINS. Encore aujourd’hui, alors que le phénomène Scratch-Vidéo a été remplacé par les soirées TOTAL CRAP au Club Soda (organisées par Simon Lacroix et Pascal Pilote, voir ici), les montages qui y sont présentés rendent souvent hommage à ce classique du cinéma psychotronique québécois (un peu comme on le fait avec la version québécoise du film culte SLAP SHOT/LANCER FRAPPÉ). Plus récemment, dans le cadre de l’émission ICI LOUIS-JOSÉ HOUDE, Louis-José Houde a rendu hommage au film LA POMME, LA QUEUE ET LES PÉPINS en en diffusant des extraits juteux devant un public médusé.

Aux malheureux qui ne connaissent toujours pas ce monument de notre cinématographie nationale dans lequel on retrouve des comediens aussi connus que Janine Sutto, Gaetan Labreche, Rene Caron, Paul Buissonneau, etc., j’offre les extraits suivants :


Ti-Bé (Roméo Pérusse) et Adrienne (Janine Sutto) discutent du problème de Martial :



Compte tenu de la mauvaise qualite sonore du film (et pour le benefice de nos amis francais qui auraient de la difficulte avec l'accent quebecois), je retranscris ici les phrases cultes des differents extraits :


- Maudites bines qui veulent pas descendre ! C’est drôle, les nouvelles bines sont paquetées la tête en bas. Tu pètes pas, tu rotes avec ça. ... Y’est gras c’ui-là !

- Les bines, les cretons, la tête en fromage, c'est encore sauvage. Avec quoi tu penses qu’on fait peur aux anglais depuis 300 ans ??


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Maurice (Réal Béland) en a long à dire sur le télé québécoise. Il en parle avec sa femme (Thérèse Morange) :




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Réal Béland et Roméo Pérusse se défoulent en jouant au billard. La serveuse en tenue légère n’est nulle autre que Francine Grimaldi !!


Tuesday, December 15, 2009

LE CULTE DU DIRECTEUR PHOTO EN GENERAL, ET DE CONRAD HALL EN PARTICULIER




Il fut un temps où, à l'exception des gens oeuvrant dans l'industrie du cinéma et des cinéphiles les plus avertis, peu de gens portaient attention aux noms de techniciens (directeurs photo, monteurs, etc.) défilant au générique d'ouverture des films. Mais depuis la révolution DVD, l'ajout de suppléments de toutes sortes (entrevues avec les techniciens, commentaires du réalisateur et autres "making of ") a permis à bon nombre d'artisans de l'industrie de sortir de l'ombre et de voir leur contribution enfin reconnue à leur juste valeur (et autrement que par une hypothétique nomination aux oscars).

Certains techniciens et artisans ont même ainsi atteint le statut de super star dans leur domaine respectif (Tom Savini pour les effets spéciaux gore des films de zombie à la DAWN OF THE DEAD, la monteuse Thelma Schoonmaker pour son association avec Martin Scorsese, etc). Depuis une vingtaine d'années, les directeurs photos ont bénéficié de cet engouement, jusqu'à voir un magazine américain leur être entièrement consacré (l'excellent (mais très technique) AMERICAN CINEMATOGRAPHER). Au fil des années, on y a tracé le portrait des "maîtres de la lumière" que sont Gordon Willis (directeur photo du PARRAIN et fidèle collaborateur de Woody Allen), Vittorio Storaro (APOCALYPSE NOW), Roger Deakins (FARGO, NO COUNTRY FOR OLD MEN), etc. En 1992, un excellent documentaire (VISIONS OF LIGHT) leur a même été consacré.

Pas surprenant, donc, de constater que certains directeurs photos font l'objet d'un véritable culte auprès des cinéphiles. C'est le cas du légendaire Conrad L. Hall, qui s'est particulièrement illustré par son perfectionnisme et son audace, repoussant constamment les conventions afin de révolutionner la façon de raconter une histoire et de mettre en image la vision du réalisateur.

CONRAD HALL (1926 - 2003)

"Sometimes I would dare Conrad Hall to try something unconventional. He would ALWAYS do it !" (Parfois je mettais Conrad Hall au défi d'essayer quelque chose de non conventionnel. Il le faisait TOUJOURS !) Gerd Oswald (Realisateur - The Outer Limits)

Fils de James Horman Hall (ex-pilote durant la Première Guerre mondiale qui allait ensuite écrire le classique roman MUTINY ON THE BOUNTY adapté au cinéma en 1962 et sur lequel son fils Conrad travailla comme caméraman), Conrad Hall connut une enfance idyllique à Tahiti, où s'étaient installés ses parents. Des années plus tard, il fréquenta l'University of South California, d'abord en journalisme, puis en cinéma. Diplôme en main mais sans emploi, il fonda avec deux autres diplômés une petite compagnie de production et, pour leur premier film, ils choisirent de laisser au hasard le soin de décider qui serait réalisateur, producteur et caméraman en écrivant ces mots sur trois papiers qu'ils déposèrent dans un chapeau. Hall tira du chapeau le papier sur lequel était écrit "caméraman », et, comme on dit en anglais ... the rest is history !

Au cours d'une carrière échelonnée sur plus de 40 ans (dont dix années sabbatiques (1977 à 1987) durant lesquelles Hall fit fortune en tournant des commerciaux avec son collègue Haskell Wexler), le génie de Hall fut récompensé par trois oscars (BUTCH CASSIDY AND THE SUNDANCE KID (1969), AMERICAN BEAUTY (2000)et un oscar posthume pour ROAD TO PERDITION (2003) et sept nominations (IN COLD BLOOD, THE PROFESSIONALS, SEARCHING FOR BOBBY FISHER, MARATHON MAN, DAY OF THE LOCUST, MORITURI, TEQUILA SUNRISE). Durant sa carrière, Hall se distingua par son audace et son enthousiasme contagieux, se montrant toujours prêt à expérimenter des techniques rarement utilisées auparavant (scènes entièrement tournées au téléobjectif dans ELECTRA GLIDE IN BLUE (1973), utilisation de la lumière ambiante et sous exposition dans les scènes de bar du sous-estimé FAT CITY (1972) de John Houston, scène entièrement visuelle de l'assassinat de Paul Newman tournée le soir et sous la pluie battante dans ROAD TO PERDITION) (2003), en cherchant à chaque fois "l'accident magique », i.e. l'élément visuel additionnel (et parfois accidentel, puisque Hall aimait bien improviser avec ce qui se présentait devant lui) qui augmentera l'impact d'une scène, comme le plan célèbre des "larmes" reflétées sur le visage de Robert Blake dans IN COLD BLOOD (voir extrait ci-dessous).

Les "larmes" de Robert Blake dans IN COLD BLOOD (1967) - (a partir de 1:12) :



Dans le documentaire VISIONS OF LIGHT (1993), Conrad Hall raconte la conception de cette image inoubliable (a partir de 3:10)



Pour le film FAT CITY (1972), Conrad Hall, qui désirait donner au film un look hyper réaliste, choisit d'utiliser le plus souvent possible la lumière ambiante et filma à leur insu des non acteurs (dans la séquence d'ouverture ci-dessous), histoire de capturer des images bien réelles "... of life going down the drain" (la grande misère), ce qui est le thème du film



Dans l'épisode THE FORMS OF THINGS UNKNOWN de la série THE OUTER LIMITS, le réalisateur allemand Gerd Oswald et Conrad Hall nous en mettent plein la vue en matière de délire visuel expressionniste (dont un plan très "Bergmanien" à 1:51):



FILMOGRAPHIE SELECTIVE DE CONRAD HALL :

- Episodes de la serie THE OUTER LIMITS (AU-DELA DU REEL) (1964)
- MORITURI (1965)
- INCUBUS (1966)
- COOL HAND LUKE (1967)
- HELL IN THE PACIFIC (1968)
- TELL THEM WILLIE BOY IS HERE (1969)
- BUTCH CASSIDY AND THE SUNDANCE KID (1969)
- FAT CITY (1972)
- ELECTRA GLIDE IN BLUE (1973)
- THE DAY OF THE LOCUST (1975)
- MARATHON MAN (1976)
- BLACK WIDOW (1987)
- TEQUILA SUNRISE (1988)
- CLASS ACTION (1991)
- JENNIFER EIGHT (1992)
- IN SEARCH OF BOBBY FISHER (1993)
- LOVE AFFAIR (1994)
- A CIVIL ACTION (1998)
- AMERICAN BEAUTY (1999)
- ROAD TO PERDITION (2003)