Tuesday, August 25, 2009

INGLORIOUS BASTERDS (2009)




Comment passer sous silence la sortie de INGLORIOUS BASTERDS, le dernier film de Quentin Tarantino ? Surtout que ce blogue a jusqu’ici mentionné de nombreux films auxquels Tarantino a déjà emprunté d’importants éléments (CHARLEY VARRICK, KISS ME DEADLY, les films de Samuel Fuller, etc.). Et puis, tout comme le reste de la filmographie Tarantinienne, BASTERDS deviendra probablement un film culte, alors … Allons y gaiement ! (En prévenant les lecteurs qui n’ont pas encore vu le film que ce texte comprend de nombreux SPOILERS !)

Dans l’ensemble, j’ai bien aimé le film, même s’il repose sur une prémisse qui est foncièrement illogique, c’est-à-dire (ATTENTION SPOILERS) : Pourquoi Hans Landa, personnage apparemment si fier de ses talents de détective et de ses nombreuses captures, LAISSE-T-IL S’ÉCHAPPER SHOSANNA au début du film ?? Il (ou ses trois sbires) aurait pu facilement l’abattre, mais il ne le fait pas ? POURQUOI ??

RÉPONSE : Parce que sinon IL N’Y AURAIT PAS DE FILM ! Bon sang mais c’est bien sûr ! ;-)

Non mais sérieusement, je croyais que ce détail nous serait éventuellement expliqué, mais il n’en est rien, et cet “illogisme’’ se révèle donc être une simple manœuvre scénaristique fort utile pour Tarantino mais légèrement agaçante pour tout spectateur soucieux de logique … Il en sera de même pour de nombreux autres points dans le film (ex : la securite plutot laxiste dans un cinema regroupant tout le haut commandement du IIIeme Reich), jusqu’à ce que chacun comprenne que la logique n’est ici pas de mise et qu’il faut accepter de se laisser porter par la magie Tarantinienne, qui fonctionne plus souvent qu’autrement.

Bien sûr, qui dit Tarantino dit nécessairement hommages ou emprunts à d’autres cinéastes, et je ne vois personnellement rien de mal à cela. (Le tout avait déjà été discuté amplement ici). En fait, je suis d’accord avec Jim Jarmusch lorsqu’il dit :

" Rien n'est original. Volez à partir de n'importe où du moment que cela entre en résonance avec votre inspiration et nourrit votre imagination. Dévorez les vieux films, les nouveaux, la musique, les livres, les peintures, les photos, les poèmes, les rêves, les conversations diverses, l'architecture, les ponts, les panneaux de signalisation, les arbres, les nuages, les plans d'eau, la lumière et les ombres. Ne sélectionnez que les choses à voler qui parlent directement à votre âme. Si vous faites cela, votre travail (et larcin) sera authentique.On ne peut pas mettre de prix sur l'authenticité, l'originalité quant a elle n'existe pas.Et ne vous embêtez pas à cacher le résultat de votre vol - Célébrez-le si vous vous le sentez. Dans tous les cas gardez à l'esprit ce que disait Jean-Luc Godard : Ce n'est pas d'où vous prenez les choses - mais où vous les amenez."

Cela dit, les hommages dans le film sont nombreux, alors je ne m’attarderai qu’au plus évident, soit celui du premier chapitre (la rencontre entre Hans Landa et M. Lapadite). Tout cinéphile qui se respecte saura que Tarantino est un grand fan du BON, LA BRUTE ET LE TRUAND de Sergio Leone. On ne sera alors pas surpris de reconnaître dans ce premier chapitre la plupart des éléments qui faisaient la force de la séquence du BON, LA BRUTE où apparaît Lee Van Cleef pour la première fois : même prise de vue éloignée de la menace qui arrive au loin, même réaction du père de famille qui dit aux enfants de sortir et qui invite l’intrus à s’asseoir à sa table, même finale explosive, etc.) (voir extrait ci-dessous). Même la musique (thème au piano ressemblant fortement aux premières notes de la pièce FUR ELISE de Beethoveen, mais provenant en fait du western spaghetti THE BIG GUNDOWN (1966)) rappelle Ennio Morricone (en particulier le "stinger" musical entendu à la fin de la scène, lorsque Shosanna s'échappe, qui est sensiblement le même que celui de la scène ci-dessous).




Tarantino parsème le film d’une multitude d’autres allusions : le court montage relatant les exploits du Sgt Hugo Stiglitz le montre plaçant une oreiller sur le visage d’une de ses victimes pour ensuite la poignarder à travers l’oreiller, ce que faisait aussi Lee Van Cleef dans LE BON LA BRUTE (mais avec un revolver). Comme le film comporte de nombreux personnages allemands, Tarantino n’a pu s’empêcher d’en appeler un Wilhelm (le cpl Wilhelm Wicki qui fête la naissance de son fils dans la taverne), soit en référence au cinéaste allemand George Wilhelm Pabst, soit en référence au fameux Wilhelm Scream, ce cri utilisé à toutes les sauces dans une myriade de films hollywoodiens depuis les années 50s (et utilisé par Tarantino dans le dernier chapitre des BASTERDS, durant la projection du film NATION’S PRIDE).

Tarantino a encore une fois ici recours à une technique moult fois utilisée par Hitchcock afin de créer le suspense, c’est-à-dire la révélation, par un détail visuel ou sonore, d’un élément d’information qui laisse présager une violence inévitable mais qui tarde à venir (ex : dans le premier chapitre, alors que la conversation semble s’éterniser, on nous montre soudainement la présence de juifs sous le plancher, ce qui sème immédiatement l’émoi chez le spectateur qui pressent avec raison que tout cela va mal se terminer; même chose pour l’arrivée du Jew Bear, annoncée par le son de son bâton de baseball qu’il frappe sur le mur du tunnel alors que la caméra fait un lent zoom vers celui-ci; même chose lorsque Landa revoit Shosanna au restaurant et qu’il lui commande un verre de lait (Ciel ! Il sait qui elle est !) ou dans la scène du bar, lorsque l’officier Nazi regarde les trois doigts du soldat britannique déguisé en officier nazi (Ciel ! Il vient de le démasquer !); bref, technique de suspense efficace, certes, mais rien de bien nouveau …

Ce qui est selon moi TRÈS audacieux de la part de Tarantino, c’est d’avoir délibérément choisi de ne pas axer l’action du film sur les Basterds et ce, MALGRÉ QUE LA BANDE-ANNONCE AIT ÉTÉ PRINCIPALEMENT AXÉE LA-DESSUS (et sur la présence de Brad Pitt) ! Il a pris le risque de décevoir de nombreux spectateurs qui s’attendaient probablement à voir un remake des 12 SALOPARDS à saveur Tarantinesque. On a l’impression qu’il a inséré les quelques scènes des Basterds (qui détonnent un peu avec le reste du film) uniquement pour faire plaisir à ce public, mais qu’en fait il est en train de nous dire : "Oui, j'aurais pu vous faire plaisir et réaliser ce genre de film, et je vous en donne même un aperçu, MAIS je préfère vous raconter l'histoire de la vengeance de Shosanna qui est beaucoup plus intéressante, et si vous me faites confiance, vous resterez jusqu'à la fin et je vous le prouverai !" Et il nous le prouve de façon magistrale !

Saluons aussi l' audace dont il fait preuve en n'hésitant pas à éliminer de façon tout à fait inattendue certains de ses personnages principaux, comme il l'avait déja fait dans PULP FICTION (John Travolta tué par Bruce Willis) et dans RESERVOIR DOGS (tous les DOGS) !

Dialogues favoris :

Shosanna : " En France, nous respectons les réalisateurs."

Bridget Von Hammersmarck : " Est-ce que vous Américains pouvez parler une autre langue que l’anglais ??!!"

Moment qui m’a bien fait rire : Lors de la présentation de Pitt et de ses acolytes déguisés en cinéastes italiens, le geste de la main fait par le soldat (Omar Doom) pour bien montrer qu’il est italien !! Trop drôle !

Moment particulièrement impressionnant : Durant la projection de NATION’S PRIDE, le projectionniste noir entrouvre la porte de la salle de cinéma où l’on voit une scène du film durant laquelle l’héroique soldat Frederick Zoller grave au couteau la croix gammée sur une planche de bois, ce qui provoque une réaction délirante de la part des spectateurs nazis.

Référence psychotronique : le faux nom utilisé par Shosanna est Emmanuelle Mimieux, même nom que l'actrice Hollywoodienne Yvette Mimieux, vedette du film culte grindhouse JACKSON COUNTY JAIL (1976), film faisant partie des films favoris de Tarantino et dans lequel elle interprète une héroine assoiffée de vengeance (à la Kill Bill) suite aux mauvais traitements qu'elle a reçus de la part de policiers Red Neck de Jackson County.

Autre détail amusant : Yvette Mimieux jouait aussi dans le classique de science-fiction THE TIME MACHINE (1960) aux côtés de l'acteur Rod Taylor ... qui joue le vieux Winston Churchill dans INGLORIOUS BASTARDS !!

Friday, August 14, 2009

Le Wilhelm Scream

NOUVELLE ALERTE !! Dans le film INGLORIOUS BASTERDS de Tarantino : dans le dernier chapitre, durant la projection du film noir et blanc NATION'S PRIDE, pas longtemps après un gros plan montrant un soldat atteint à l'oeil droit (qui saigne abondamment), on voit un autre soldat qui tombe de haut en direction de la caméra en poussant un Wilhelm Scream (qui a été légèrement modifié mais pas assez pour ne pas le reconnaître !)


ALERTE AU WILHELM SCREAM !!! AOUT 2009 !!! LE FILM "KNOWING" avec Nicolas Cage !! vers 1h02min 02 sec, dans la sequence catastrophe du metro, on entend le Wilhelm Scream !!

Le cri de Wilhelm

Il y a des films cultes, il y a des séries cultes, il y a des acteurs/actrices cultes … et il y a même des effets sonores cultes. C’est le cas du célèbre Wilhelm Scream.


Le Wilhelm Scream, dont l’auteur demeure a ce jour inconnu, est un cri particulièrement efficace enregistré en studio au début des années 50 et utilisé pour la première fois dans le film Distant drums (1951). Il était sensé représenter le cri d’un homme se faisant bouffer par un alligator. Le cri était tellement évocateur qu’il fut réutilisé deux ans plus tard dans le film The Charge at Feather River (1953) lorsqu’un personnage secondaire appelé Wilhelm est atteint d’une flèche à la jambe.

Le reste, comme on dit, fait partie de l’histoire … Ce cri si particulier a depuis été utilisé à toutes les sauces, dont TROIS fois dans la finale du film de science-fiction THEM ! (1954) (voir compilation ci-dessous). Dans les années 80s, le monteur de son Ben Burtt, un des nombreux artisans Hollywoodiens vouant un culte au «Wilhelm Scream», le fit connaître à toute une nouvelle génération de spectateurs en l’intégrant à la trame sonore du film Star Wars Episode IV : A New Hope (voir ci-dessous).

Plus récemment, le Wilhelm Scream a été entendu dans le dernier épisode de la trilogie de LORD OF THE RINGS. Depuis, des millions de spectateurs partout dans le monde restent aux aguets et tendent l’oreille, attendant sa prochaine manifestation ! Je sais qu'on l'entend dans le film DEATHPROOF de Tarantino, durant la scène où Stuntman Mike (Kurt Russell) entre en collision avec la voiture des quatre filles qu’il a rencontrées au bar … On l’entendrait aussi lorsque la mascotte prend en feu dans le film BLADES OF GLORY … D’autres l’auraient entendu durant la scène de l’attaque de Darwin dans AUSTRALIA … Et vous ? Vous l’avez entendu récemment ?? EEGHAD !!


Compilation du Wilhelm Scream :





Historique du Wilhelm Scream :



Liste des films comprenant le Wilhelm Scream ici

RESRVOIR DOGS (1992)



Il faut en général des années avant qu’un film obscur n’atteigne tranquillement le statut de film culte, souvent grâce au bouche à oreille qui permet parfois à un film ignoré lors de sa sortie de rejoindre enfin un public d’inconditionnels (On pense à des titres comme KISS ME DEADLY (1955) ou SECONDS (1966), redécouverts des années après leur apparition originale). Dans le cas du Reservoir Dogs de Tarantino, le culte s’est manifesté presqu’instantanément !

RESERVOIR DOGS (1992)

Certes, le culte s’est probablement d’abord formé autour d’une petite clique de cinéphiles et de critiques ayant su décerner chez ce jeune réalisateur inconnu qu’était alors Tarantino des qualités rares de dialoguiste (la scène d’ouverture dans le resto) et de metteur en scène (scène géniale ou Orange (Tim Roth) raconte sa rencontre fictive avec des policiers dans des toilettes publiques). Cette dernière scène est celle qui, dans mon cas, m'a convaincu que ce réalisateur serait désormais à surveiller. Quelle étonnante virtuosité pour un " débutant " ! Sans parler de l’audace démontrée tant au niveau du contenu (scène de torture d’une violence inouie) que de la forme (récit raconté de façon non-chronologique, utilisation originale de la musique, etc. etc. ) Le bouche-à-oreille a fait le reste et le culte voué à Tarantino n’a cessé de s’accroître depuis ...

Et pourtant, il s’est trouvé à l’époque (et encore aujourd’hui) des détracteurs pour reprocher à Tarantino sa propension à piquer ses meilleures idées dans les films des autres. Accusation fondée ou non ?

Petite anecdote personnelle :

Au début des années 90s, je suis allé au New York Underground Festival (édition 1995) dont le directeur était un certain Todd Phillips, alors inconnu mais maintenant connu pour avoir réalisé THE HANGOVER 1 et 2.

Une fois sur place, je constatai que le programme du Festival annonçait la projection d'un court film de 10 minutes réalisé par un certain Mike White. Le film, intitulé WHO DO YOU THINK YOU'RE FOOLING, visait à démontrer que le film RESERVOIR DOGS de Tarantino comportait d'énormes emprunts à un film asiatique de Ringo Lam appelé CITY ON FIRE (1987), emprunts qui, selon White, frisaient le plagiat. RESERVOIR DOGS étant encore frais dans la mémoire du public, la présentation du film de White constituait un Scoop suffisant pour attirer l'attention des médias. Bizarrement, la direction du Festival choisit de tuer le Scoop dans l'oeuf en retirant le film de White du programme, jugeant que sa présentation privait le reste du festival de sa juste part de l'attention médiatique ! (Toute la controverse est bien résumée au début de l'extrait ci-dessous). White a récemment mis son film sur YOUTUBE (voir ici), de sorte que vous pouvez juger vous-même de la validité de sa thèse (la démonstration est assez stupéfiante à mon avis !).

Hé bien ! Qu’en dites-vous ?

Personnellement, je ne vois pas là grand mal. Certes, White prouve que Tarantino s’est effectivement approprié des éléments importants du film CITY ON FIRE, mais Tarantino a su (selon moi) transformer cette matière première pour l’améliorer et en faire une œuvre entièrement personnelle. Bref, il a pris un film d’action ordinaire et en a fait un classique ! Comme dirait Godard : " Ce n'est pas d'où vous prenez les choses - mais ou vous les amenez."

Apparemment insatisfait, White a répété l’exercice de dénonciation de façon beaucoup moins concluante avec PULP FICTION (ci-dessous) :




Avis personnel : Et puis après ? Je crois que ce monsieur (et tous les autres détracteurs de Tarantino) devraient lire et relire cette citation de Jim Jarmusch :

regle no. 5 : " Rien n'est Original. Volez à partir de n'importe où du moment que cela entre en résonance avec votre inspiration et nourri votre imagination. Dévorez les vieux films, les nouveaux, la musique, les livres, les peintures, les photos, les poèmes, les rêves, les conversations diverses, l'architecture, les ponts, les panneaux de signalisation, les arbres, les nuages, les plans d'eau, la lumière et les ombres. Ne sélectionnez que les choses à voler qui parlent directement à votre âme. Si vous faîtes cela, votre travail (et larcin) sera authentique.On ne peut pas mettre de prix sur l'authenticité, l'originalité quant a elle n'existe pas.Et ne vous embêtez pas à cacher le résultat de votre vol - Célébrez-le si vous vous le sentez. Dans tous les cas gardez à l'esprit ce que disait Jean-Luc Godard : Ce n'est pas d'où vous prenez les choses - mais ou vous les amenez."