Tuesday, April 27, 2010

NIGHT OF THE LIVING DEAD (1968)



"Le silence dans la salle était total. Le film avait cessé d'être joyeusement épeurant, et il était devenu carrément terrifiant. Près de moi, une jeune spectatrice âgée d'environ 9 ans était immobile dans son siège et pleurait ..." Roger Ebert

George Romero, le réalisateur de NIGHT OF THE LIVING DEAD, premier film de la célèbre franchise des films de morts-vivants et jalon important dans l'histoire du cinéma d'horreur, n'avait jamais prévu de faire carrière à Hollywood. En 1968, Romero roulait déjà très bien sa bosse depuis des années à Pittsburgh comme réalisateur de films industriels et de commerciaux pour la télé. Dix ans plus tôt, il avait eu la chance de travailler comme machiniste sur le plateau de NORTH BY NORTHWEST de Hitchcock et qui sait si cette expérience n'a pas fait germer en lui l'idée de tourner un jour son propre film de fiction ? Reste qu'en 1968, ayant accès à tout l'équipement nécessaire pour mener à bien une telle entreprise, il écrivit une ébauche du scénario de ce qui allait devenir NIGHT OF THE LIVING DEAD.

Romero était depuis toujours un grand admirateur des fameuses bandes dessinées d'horreur E.C. Comics, éventuellement bannies aux Etats-unis en raison de leur contenu ultra-violent (Il leur rendra un vibrant hommage dans son film CREEPSHOW en 1982). Ce n'est donc pas un hasard si la trame de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS rappelle celle de nombreux TALES FROM THE CRYPT des E.C. Comics : un groupe de gens ordinaires font face à une menace horrible contre laquelle ils ne peuvent rien.

Romero réussit à convaincre une dizaine de ses amis à investir 600$ chacun dans son projet de film, recruta des acteurs amateurs parmi sa propre compagnie de production, trouva une maison pratiquement abandonnée et y tourna son film en une trentaine de jours (répartis sur neuf mois !). Le film une fois terminé, Romero se dépêcha d'en apporter une copie à Columbia Pictures, qui décidèrent qu'ils n'étaient pas intéressés à distribuer un film en noir et blanc. Il alla alors frapper à la porte des studios American International Pictures (qui produisaient depuis des années des films d'horreur à petit budget comme I WAS A TEENAGE WEREWOLF, ATTACK OF THE FIFTY-FOOT WOMAN, I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE, etc.) et ceux-ci lui demandèrent de modifier la fin de son film afin de le rendre moins pessimiste. Romero refusa. C'est finalement la compagnie Walter Reade (propriétaire de nombreuses salles de cinéma aux Etats-Unis) qui osa distribuer le film de Romero. Le succès ne fut pas instantané, mais des critiques comme celles de Roger Ebert (ici) contribuèrent à faire connaitre le film (même si c'était pour en condamner les excès !). Le bouche à oreille fit le reste, et NIGHT OF THE LIVING DEAD devint non seulement un très populaire "film de minuit" qui tint l'affiche pendant DEUX ANNEES à New York, mais reussit même l'exploit d'être présenté au Musée d'art moderne de NY !!

Pourtant, le film est LOIN d'être parfait et comporte d'irritantes erreurs techniques (faux raccords, post-synchro défaillante, séquences de nuit ou apparait la lumiere du jour, etc) qui rappellent les productions minables du fameux Ed Wood (réalisateur du navet culte PLAN 9 FROM OUTER SPACE). Comment alors en expliquer le succès ? Dans sa critique du film, Roger Ebert donne des éléments de réponse. Il faut d'abord préciser qu'il a vu le film en 1969 dans une salle ou se trouvaient des enfants laissés à eux-mêmes par des parents incroyablement insouciants ! Au tout début, comme le raconte Ebert, la salle semblait apprécier les "spooky thrills" ("amusants frissons") des premières minutes du film, alors que Barbara (Judith O'Dea) est poursuivie par un mort-vivant dans un cimetière :



Elle se cache dans une maison abandonnée, puis fait la rencontre de Ben (Duane jones), qui barricade la maison. Comme le raconte Ebert, le film devient alors "dull and talky" (ennuyant et bourré de dialogues). C'est le moment du film durant lequel on est en mesure de remarquer ses nombreux défauts :

Par exemple, dans l'extrait suivant, à 2:17 exactement, vous pouvez apercevoir juste derrière l'actrice un des poteaux (et le fil électrique) sur lequel repose l'équipement d'éclairage !



Cas classique ici de mauvais raccord dû au non-respect de l'axe qu'il ne faut pas traverser avec la caméra lorsque l'on filme une conversation entre deux personnages. L'effet est particulièrement déstabilisant à partir de 3:00 : elle le regarde dans les yeux comme si elle était assise à sa droite, mais le plan suivant, il se tourne vers elle comme si elle était à sa gauche !! ;)



Ici, à 3:45, la lumière du jour surgit ... en pleine scène nocturne !!!



On cesse toutefois de remarquer les défauts du film lorsqu'il bascule soudainement dans l'horreur absolue dans la scène ci-dessous, où les morts-vivants se battent entre eux afin de dévorer les restes calcinés du jeune couple d'amoureux (à partir de 1:25) ! Romero a l'intelligence ici de laisser tomber la musique "en canne" entendue depuis le début du film. Il la remplace par une tonalité électronique terriblement efficace. Les gros plans se succèdent, les sons de mastication sont amplifiés, les zombies se délectent d'intestins, de foie et de chair humaine et on fait allègrement éclater un des derniers tabous au cinéma : le cannibalisme. On comprend alors ce qu'Ebert voulait dire lorsqu'il décrivait la réaction des pauvres enfants en état de choc devant un tel spectacle !



A partir de ce moment, le spectateur n'a d'autre choix que d'embarquer complètement (ou de quitter la salle !) et de devenir témoin d'un véritable cauchemar où rien ne se déroulera comme il l'aurait prévu (surtout pour les spectateurs de l'époque, habitués jusqu'alors à voir les héros toujours triompher du mal). Le revirement final, particulièrement pessimiste et ironique, demeure encore aujourd'hui très audacieux.

Les critiques de l'époque s'amusèrent à voir dans le film une métaphore de l'Amérique de 1968 qui "se dévore elle-même en raisons des tensions suscitées par la guerre du Viet-Nam et l'émancipation des noirs" (puisque le héros du film est un noir), ce qui a toujours fait rire Romero. Il rappelle à tous que l'acteur noir Duane Jones a été choisi non pas en raison de la couleur de sa peau, mais simplement parce qu'il avait été le meilleur durant les auditions.

Le succès du film fut tel que Romero a pu par la suite obtenir facilement tout le financement désiré pour tourner de nombreuses suites au film (dont l'excellent DAWN OF THE DEAD (1978) qui a fait l'objet d'un remake en 2004 réalisé par Zack Snyder (réalisateur de 300). Le film culte de Romero THE CRAZIES (1972) a lui aussi récemment fait l'objet d'un excellent remake.

Pour ce qui est de NIGHT OF THE LIVING DEAD, recherchez la version DVD distribuée par ELITE Entertainment (ici), qui nous offre ENFIN une version du film d'une étonnante qualité visuelle ! Je dis cela parce que NIGHT OF THE LIVING DEAD n'a longtemps été disponible que dans la version floue que vous pouvez voir dans les extraits ci-dessus (pris sur Youtube). Ce grand classique de l'horreur reçoit enfin le traitement qu'il mérite.