Monday, May 31, 2010

BLACK SABBATH - LES TROIS VISAGES DE LA PEUR - I TRE VOLTI DELLA PAURA (1963) de Mario Bava



I’m a BIG Mario Bava fan. He was one of my first heroes. My use of colour is totally stolen from Bava, even though I know I’ll never be as good as him …” Quentin Tarantino

En plus de se déclarer un fan de Mario Bava dans la citation ci-dessus, Tarantino a déjà dit que la structure éclatée de PULP FICTION (et ses nombreuses intrigues entremêlées) lui avait été inspirée par le film d’anthologie BLACK SABBATH/LES TROIS VISAGES DE LA PEUR réalisé par Bava en 1963. « Je voulais faire avec le film noir ce que Bava a fait à cette époque avec le cinéma d’horreur. » dit-il. Noble intention de sa part, quoiqu’il faut préciser que, contrairement à PULP FICTION, les trois récits d’horreur racontés dans BLACK SABBATH/LES TROIS VISAGES DE LA PEUR ne sont pas du tout reliés entre eux et constituent chacun un court métrage en soi.

Le films d’anthologie étaient très populaires dans les années 60, en particulier en Europe, avec des titres comme L’AMOUR A VINGT ANS (1962 - regroupant de courts films de Truffaut, Wajda, Ophuls, etc.), BOCCACCIO 70 (1962 - Sketchs de Fellini, Visconti et De Sica) et, dans le domaine du cinéma fantastique, l’excellent HISTOIRES EXTRAORDINAIRES (1968), comportant trois récits inspirés d’Edgar Allan Poe.

Aux États-unis, des séries d’anthologie comme TWILIGHT ZONE, THE OUTER LIMITS (AU-DELA DU RÉEL), ALFRED HITCHCOCK PRESENTS et THRILLER (cette dernière animée par nul autre que Boris Karloff) connaissaient un grand succès. Il était donc inévitable qu’une compagnie de production de films exploite le filon, et la première à le faire fut l’American International Pictures (AIP) pour laquelle Roger Corman tourna TALES OF TERROR (1962) (comportant trois récits de Poe adaptés par Richard Matheson). AIP suivit ce succès par THE RAVEN (1963) mettant en vedette Vincent Price, Jack Nicholson (alors âgé de 26 ans !) et Boris Karloff. Karloff venait de signer un contrat avec AIP pour tourner avec eux plusieurs films d’horreur, et le succès de TALES OF TERROR amena AIP à songer à répéter l’expérience en recrutant les services du talentueux réalisateur italien Mario Bava (qui avait réalisé la même année l’excellent « giallo » italien THE GIRL WHO KNEW TOO MUCH, que AIP avait distribué aux États-Unis). Karloff fut engagé pour jouer un vampire (la seule fois dans sa carrière) dans l’un des trois récits de BLACK SABBATH (le WURDALAK, les deux autres récits s’intitulant LE TÉLÉPHONE et LA GOUTTE D’EAU) et l’ensemble du film fut tourné aux studios Cinecitta à Rome.

Pour se différencier des autres films d’anthologie de AIP, Bava adapta des récits d’épouvante peu connus dont on ne peut vraiment retracer les origines (quoique LE WURDALAK comporte des éléments du conte LA PEUR de Guy de Maupassant). Comme ce fut souvent le cas a cette époque, une version du film fut tournée en italien par Bava (appelons cela la “director’s cut », qui correspond VRAIMENT à la vision du réalisateur) et une autre fut remontée (nouvelle trame sonore de Les Baxter remplacant celle de Roberto Nicolosi et ajouts d’introductions de chaque récits faites par Boris Karloff) et distribuée aux États-Unis par AIP. Pendant des années, c’est malheureusement cette version tronquée et CENSURÉE qui a été diffusée chez-nous. Heureusement, Anchor Bay a récemment sorti une magnifique copie du film en DVD (ici) offerte en version originale italienne avec sous-titres anglais ! C’est la seule version qui rend vraiment hommage à ce grand classique de l’horreur qu'est BLACK SABBATH

L’histoire la plus mémorable de BLACK SABBATH/LES TROIS VISAGES DE LA PEUR demeure sans doutes LE WURDALAK, mais ce n’est pas tant en raison du récit (Un vieux vampire (Karloff) retourne dans sa famille avec l’intention d’en contaminer chacun des membres) qu'en raison de l’étonnante efficacité de la mise en scène de Bava qui, comme toujours, réussit à accomplir beaucoup avec peu de moyens. Il faut rappeler que Bava était peintre de formation et talenteux directeur photo : dans LE WURDALAK, il parvient à créer, au seul moyen des éclairages et de la couleur, un climat de terreur à la limite du supportable. Jugez-en vous même, en regardant la scène suivante ou, à partir de 2:50, Karloff revient chez-lui après une longue absence, chacun des membres de sa famille se demandant s’il est devenu un vampire :



Scène graphique censurée dans la version américaine du film (ci-dessus, à 8:46) : Karloff, baigné des éclairages oranges et rouges chers à Bava, nous montre ce qu’il cache dans son sac !

Moment de terreur inoubliable : après avoir été kidnappé par son grand-père vampire, le petit Ivan revient à la maison en suppliant sa mère de le laisser entrer (au tout debut de l'extrait).



Pour la première fois dans le cinéma d’horreur (et cinq ans avant NIGHT OF THE LIVING DEAD), le Mal triomphe (a 7:40) !



Dans LA GOUTTE D’EAU, une infirmière vole la bague d’une morte et est hantée par le fantôme de cette dernière. Dans ce récit presqu’entièrement muet, Bava démontre une fois de plus son étonnante capacité à susciter l’angoisse par l’image et les sons (qui sont ici allègrement amplifiés).


/>
Revirement final italien de IL TELEFONO (voir le contenu de la lettre a 2:55):



Revirement final americain de THE TELEPHONE (voir le contenu completement different de la lettre a 2:15):

Tuesday, May 25, 2010

THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (1935)


" I drink to a new world of Gods and Monsters !"
Dr Praetorius dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN

Le cinéaste américain James Whale est surtout connu pour ces films cultes que sont FRANKENSTEIN (1931), THE INVISIBLE MAN (1933) et THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (1935), tous des classiques du cinéma fantastique (y compris le toujours introuvable THE OLD DARK HOUSE (1932)).

THE BRIDE OF FRANKENSTEIN demeure son oeuvre la plus achevée et bien qu’étant une espèce de “suite” à son FRANKENSTEIN réalisé quatre ans plus tôt, THE BRIDE OF FRANKENSTEIN est une oeuvre parfaitement autonome et en tous points supérieure au premier film de la série.

Quatre années séparent les deux oeuvres, et c’est peut-être ce qui en explique les différences. A cette époque des débuts du cinéma sonore, qui sait quels avancements technologiques ont pu, en l’espace de quatre années, permettre à Whale d’aller jusqu’au bout de sa vision dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN, mais reste que la différence entre les deux films est frappante : la mise en scène de FRANKENSTEIN est statique et théâtrale (peut-être en raison des contraintes techniques de l’époque ?), alors que celle de THE BRIDE est audacieuse, captivante et caractérisée par une surenchère expressionniste qui impressionne encore aujourd’hui. On n’a qu’a regarder les séquences de “création de monstre” des deux films pour s’en rendre compte : celle de FRANKENSTEIN (un long plan séquence nous montre la plateforme monter et descendre, a partir de 2:22) :




Et celle de THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (a partir de 4:30) : délirante cacophonie sonore et visuelle appuyée par un montage nerveux et efficace.



Apres le succès du premier FRANKENSTEIN, Whale a obtenu carte blanche pour faire ce qu’il voulait dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN. Il en a profité pour injecter au film une bonne dose d’humour noir (ce qui faisait terriblement défaut au premier film) par le biais du personnage passablement excentrique du Docteur Praetorius, individu capable de prendre un copieux repas dans une crypte remplie de morts et d’ossements humains (voir ci-dessous, a partir de 6:43) :



Il se permet aussi cette séquence qui n’avance en rien le récit mais qui constitue un amusant intermède comique, alors que Praetorius montre à Henry Frankenstein où il en est lui-même rendu en matière de “création de la vie” (a partir de 1:00) :



Plus que jamais, Whale nous présente le monstre comme un martyr victime de l’ignorance des gens qui l’entourent. Dans la scène inoubliable qui suit (a partir de 6:00), le monstre trouve un peu de répit et de compassion auprès d’un vieil aveugle :



La femme de Frankenstein n’apparaît qu’à la toute fin du film. Le maquillage créé par Jack Pierce est génial et a fait de cette créature une icône du cinéma fantastique (malgré que ce n’ait été là que sa seule (et très brève) apparition à l’écran): l’actrice Elsa Lanchester, sous la direction de Whale, lui donne vie à coups de grognements, de mouvements saccadés de la tête, et de cris stridents qu’elle pousse lorsque le monstre lui touche la main (ci-dessous, a partir de 1:40) : rejet ultime d’un monstre face à un autre, qui mènera au geste final auto-destructeur et libérateur.



Jean-Marie Sabatier, critique de cinéma francais, décrit mieux que je ne saurais le faire l’impact de l’apparition à l’écran d’Elsa lanchester dans le rôle de la Femme de Frankenstein : “1935, c’est la naissance et la mort d’Elsa Lanchester : elle disparait, et elle n’est plus que la Femme de Frankenstein, l’espace d’une brève apparition, fulgurante, inoubliable, défiant l’abime des possibles, bravant le temps et la mémoire … et il suffit d’un cri pour la précipiter dans le Néant, pour la rendre à la nuit d’où elle a surgi …”

Tout cinéphile ayant apprécié l'oeuvre de James Whale visionnera avec plaisir l'excellent film GODS AND MONSTERS (1998) de Bill Condon, relatant les dernières années tourmentées de ce cinéaste exceptionnel (interprété par Ian McKellen).