" Your husband dreams of making out of you what every man dreams of making out of every woman : a slave, a thing, an object of pleasure ..." Comtesse Bathory Synopsis : Un couple de nouveaux mariés (Danielle Ouimet et John Karlen) en voyage de noces s'arrêtent un soir au gigantesque Hôtel des Thermes d'Ostende en Belgique. En ce début d'hiver, l'hôtel est complètement désert et le couple ne compte y séjourner qu'une seule nuit, mais leurs plans changeront avec l'arrivée de la mystérieuse comtesse Elizabeth Bathory (Delphine Seyrig) et de sa superbe compagne Ilona (Andrea Rau). En quelques jours, la présence de plus en plus envahissante de la comtesse aura un effet cathartique sur les nouveaux mariés qui se découvriront chacun sous un tout autre jour ...
Historique : En plus d'être un film culte très original tant dans sa forme que dans son récit, LE ROUGE AUX LEVRES est d'un intérêt particulier pour le public québécois en raison de la présence de Danielle Ouimet, ex-actrice recyclée depuis en animatrice de talk shows de toutes sortes (dont sept ans à la barre de l'émission BLA BLA BLA). En 1971, forte du succès du film soft-porn VALÉRIE (1969) dont elle était la vedette, Ouimet se rendit à Cannes pour la presentation du film hors competition (hé oui ! VALÉRIE a été présenté au Festival de Cannes !! Autre époque ... ;) et "en l'espace de 15 minutes", comme elle le révèle dans l'entrevue faisant partie des extras du DVD, elle fut engagée par le producteur du film LE ROUGE AUX LEVRES qui demeure, selon elle, "le meilleur film dans lequel elle ait jamais joué. » On la croit sur parole, quand on regarde les autres titres faisant partie de sa courte filmographie (ex : L'INITIATION (1970), Y A TOUJOURS MOYEN DE MOYENNER (1973), ...). Compte tenu qu'elle en était à ses débuts à l'époque du ROUGE AUX LEVRES et qu'elle jouait en ANGLAIS en présence d'acteurs beaucoup plus chevronnés, on peut dire qu'elle s'en tire très bien. Ouimet dit beaucoup de bien en entrevue de Delphine Seyrig qui, apparemment, l'a protégé plus d'une fois du tempérament excessif du réalisateur Harry Kumel.
Ce dernier fait preuve à la réalisation d'un grand sens visuel, aidé en cela par les superbes images du directeur photo Eduard Van Der Enden. Ils ont su exploiter au maximum le potentiel terrifiant de l'Hôtel des Thermes qui, après l'hôtel Overlook du SHINING, est probablement l'hôtel le plus sinistre jamais filmé. Kumel était un grand admirateur de Joseph Von Sternberg et il lui rend un peu hommage en filmant Delphine Seyrig de la même façon que Sternberg filmait Marlene Dietrich à l'époque (ex : la première apparition de Seyrig sortant de sa limousine et où elle est éclairée de sorte que l'on ne voie que sa bouche, ses yeux demeurant dans l'obscurité, sans parler des nombreux plans où elle est filmée en flou, etc.). Il est étonnant qu'un réalisateur aussi talentueux que Kumel n'ait pas connu une plus grande carrière, tellement son style semble avoir influencé plusieurs autres cinéastes. Par exemple, Kumel innove dans DAUGHTERS OF DARKNESS en ayant plusieurs fois recours au fondu au rouge, choix très inhabituel qui sera repris par Bergman dans son CRIS ET CHUCHOTEMENTS un an plus tard. Et la séquence tournée à Bruges durant laquelle Stefan et Valérie aperçoivent des ambulanciers transportant le cadavre d'une jeune fille assassinée rappelle énormément une séquence semblable tournée à Venise par Nicolas Roeg dans DON'T LOOK NOW trois ans plus tard. Kumel et son scénariste Pierre Drouot renouvellent le genre en limitant les effets gore (pourtant très populaires à l'époque dans les films d'horreur de la Hammer Films) et en mettant plutôt l'accent sur l'ambiance, qui, à mesure que le film progresse, devient de plus en plus perverse, le jeune marié se révélant être une brute sadique et infidèle dont l'épouse s'affranchira tranquillement, pour être ensuite facilement séduite par la comtesse (sous-thème légèrement féministe ici). Le rythme plutôt lent du film fait en sorte que les scènes de violence soudaine ont un impact accru auprès du spectateur (i.e. scène où le mari bat sa femme à coups de ceinture (ci-dessous), scène où celui-ci attire sous la douche une vampire qui craint l'eau courante, etc.).
Ajoutons aux nombreuses qualités du film la performance exceptionnelle de Delphine Seyrig (qui, à l'origine, ne voulait pas jouer dans le film mais en fut convaincue par son mari Alain Resnais) en comtesse vampire à la voix rauque tout droit sortie des années 30s (et bénéficiant d'une garde-robe d'époque bien fournie), l'excellente trame sonore de François de Roubaix, et le plan final, qui réussit à rendre un effet propre aux toiles du peintre Magritte : une scène nocturne qui, après un léger panoramique vers le haut, révèle une lumière diurne ...