Tuesday, June 22, 2010

THE BOONDOCK SAINTS (1999)


« Il faut trois choses pour faire un bon film : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. »
Jean Gabin

Entièrement d’accord avec cette citation et il semble que ce soit ce que Troy Duffy, obscur barman et musicien/scénariste amateur de Boston, a réussi à écrire en 1997, car son scénario de film (THE BOONDOCK SAINTS), relatant les exploits d'un duo de frères irlandais assoiffés de justice et décrit comme une espèce de « PULP FICTION with soul » suscita un vif intérêt de la part de Harvey Weinstein de Miramax (celui-là même qui avait justement produit le PULP FICTION de Tarantino). Weinstein offrit a Duffy une entente extraordinaire : 300 000 $ pour le scénario de BOONDOCK SAINTS, un budget de 15 millions et la possibilité pour Duffy de réaliser lui-même le film et d’en composer la trame sonore avec son groupe musical. Une entente fantastique, vous pensez ? Du genre qui ne survient qu’une fois dans une vie ? Et qu’aucun jeune réalisateur ne chercherait à bousiller ?

Hé bien c’est pourtant ce qu’a réussi à faire Troy Duffy ! Un documentaire intitulé OVERNIGHT a été réalisé sur les coulisses du tournage du film THE BOONDOCK SAINTS et pourrait servir de leçon à tout jeune réalisateur sur ce qu’il ne faut PAS faire si l’on espère avoir une longue et fructueuse carrière au cinéma.

Première erreur de Duffy : AVANT MÊME D’AVOIR TOURNÉ QUOI QUE CE SOIT, Duffy recrute deux de ses potes pour qu’ils commencent à tourner un documentaire entièrement consacré au génie créatif de Duffy et de son groupe musical qui, comme il le dit dans l’extrait ci-dessous (à 6:18) : “possède plus de potentiel créatif que tout autre groupe dans l’histoire de cette ville. » (!!) (En guise de comparaison, imaginez ce qu’on aurait dit ici si Xavier Dolan avait commencé à tourner un documentaire sur son génie créatif avant même d’avoir tourné une seule scène de son premier film !)



Seconde erreur : il adopte une attitude conflictuelle lors de ses conversations avec les différents producteurs (voir ci-dessous à 6:15), s’attirant les foudres d’une haute gestionnaire de chez Miramax (Meryl Poster). Résultat : Harvey Weinstein laisse tomber le projet. Duffy se retrouve sans producteur et le projet de film est interrompu.



Finalement, une compagnie indépendante, Franchise Film, accepte de financer le film avec une fraction du budget que lui offrait Miramax. Duffy accepte et le tournage commence, mais Duffy continue d’agir avec son équipe de façon outrageuse (ci-dessous, à 7:00).



Autre erreur : Duffy, non satisfait de tourner son premier film, veut profiter de cette opportunité pour lancer la carrière de son groupe musical. Une entente est signée avec Atlantic Records, entente dont bénéficieront potentiellement les membres du groupe mais PAS les deux potes responsables du documentaire, qui ont pourtant mis beaucoup de temps et d’argent dans les projets de Duffy. Dans la scène qui suit, ils tentent tous de s’expliquer mais la rancœur accumulée provoque une engueulade (à 4:00).



Au printemps 1999, BOONDOCK SAINTS est présenté au festival de Cannes. Sur place, Duffy ne peut s’empêcher de pavaner devant la caméra : “Je crois que nous avons réalisé le meilleur film indépendant jamais tourné ! » (à 0:33). Pourtant, AUCUNE offre n’est faite à Duffy pour la distribution de son film. (La présence de Weinstein au festival (voir à 4 :57) y serait-elle pour quelque chose ?)



Duffy est invité à prendre la parole devant un groupe d'étudiants en cinéma. Même dans ce contexte anodin, il adopte une attitude conflictuelle (voir ci-dessous, au tout début de l’extrait).



Finalement, l’album du groupe ne vendra que 690 copies et le film BOONDOCK SAINTS ne sera pas distribué en salles. Comme le dit une femme oeuvrant dans le domaine (à 3:41, extrait précédent) : “Dès que Harvey Weinstein a laissé tombé ce film, aucun studio majeur n’allait oser le reprendre à sa place. Duffy s’est tiré dans le pied, et Weinstein s’est fait un devoir de lui démontrer que de la même façon qu’il a pu le sortir de l’anonymat et lui donner sa chance, il pouvait tout aussi rapidement mettre un terme à sa carrière …”

DANS CE CONTEXTE, (et en gardant à l’esprit que le documentaire a été tourné et monté par deux personnes qui détestent Duffy !), force est d’admirer la détermination dont a fait preuve Duffy tout le long de ce combat entre David et Goliath. Oui, Duffy est baveux, oui, il a une grande gueule et se comporte en « bully », mais reste qu’il a quand même réussi à réaliser comme il le voulait un film qui, depuis sa sortie en DVD, fait l’objet d’un véritable culte, entre autres au Canada et au japon (surtout auprès d’un jeune public qui retrouve dans BOONDOCK SAINTS un film d’action à la Tarantino mais dépourvu des longues scènes de dialogues tarantinesques dont ils ne sont pas nécessairement friands).

En fait, malgré quelques scènes franchement exagérées (la scène où un mec armé jusqu’aux dents tire A BOUT PORTANT sur les trois héros sans jamais vraiment les atteindre ! - Voir extrait ci-dessous) et des emprunts trop évidents à Tarantino (les deux frères qui récitent une prière avant de tuer leurs victimes, comme le faisait Samuel Jackson dans PULP FICTION), BOONDOCK SAINTS demeure un très bon film d’action défilant à un rythme d’enfer et non dépourvu de style (voir la scène géniale ci-dessous où le détective campé par Willem Dafoe relate sa version des faits et se retrouve lui-même en plein milieu de l’action).

"OK, here's what happened ..." (à partir de 2:37)



Dommage pour Troy Duffy, qui n’a même pas été foutu par la suite de profiter du succès inespéré de son film, son contrat n’ayant pas fait de lui l’un des bénéficiaires des profits du film !! Il n’a pas su gérer la chance qui s’offrait à lui … Le documentaire OVERNIGHT se termine par cette citation très pertinente d’Albert Goldman : « Le succès ne change pas vraiment un homme. Le succès a plutôt l’effet d’un sérum de vérité qui révèle la véritable personnalité d’un individu … »

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