Monday, December 13, 2010

LE MARTIEN DE NOEL (1971)



C'est la saison des fêtes, synonyme du retour à la télé des sempiternels grands classiques de Noël qui peuvent être drôles (Le sapin a des boules) ou moins drôles (The Santa Clause). Les livres CULT MOVIES mentionnent quelques films de Noël qui, avec le temps, sont devenus des films cultes, comme les classiques It’s a Wonderful Life (1946 avec James Stewart) et Miracle on 34th street (avec Nathalie Wood), ou le moins connu mais excellent A Christmas Story (1983, de Bob Clark) et le très psychotronique Santa Claus conquers the Martians (1964 avec Pia Zadora). Dans le genre, le Québec n’est pas en reste car en 1971, des années avant que Rock Demers ne produise son premier «Contes pour tous» (La Guerre des Tuques en 1984), il nous offrait, en collaboration avec Roch Carrier, l’excellent conte pour enfant LE MARTIEN DE NOËL réalisé par Bernard Gosselin et mettant en vedette Paul Hébert, Paul Berval, Guy L’Écuyer et Marcel Sabourin dans le rôle du martien.

Synopsis : Dans le village de Ste-Melanie, pres de Joliette, deux enfants découvrent une soucoupe volante habitée par un mystérieux martien qui devient vite leur ami, avant de retourner chez lui.

Points forts : Ce film est un peu l’ancêtre du E.T. de Spielberg et on y retrouve des similarités étonnantes : dans les deux cas, les enfants sont longtemps les seuls à connaître l'existence du martien et évitent d’en parler aux adultes; dans le film de Spielberg, E.T. bouffait des Reeses’s Pieces, alors qu’ici, le martien bouffe des Smarties et en offre aux enfants jusqu’à ce qu’ils en soient littéralement recouverts (voir l'extrait ci-dessous) ! ... et je trouve que la séquence où un des enfants frotte une allumette géante qui, une fois allumée, la transporte dans le ciel constitue un moment aussi réussi que la séquence de la bicyclette qui s’envole avec les enfants dans E.T. (voir extraits YOUTUBE ci-dessous).

Le martien de Noel (V.F.)




Autres aspect intéressants : Apparition caméo de Reine Malo en annonceuse radio au tout début du film ! Étonnant de voir aussi des scènes ou des enfants d'à peine 12 ans volent un ski-doo qui ne leur appartient pas !! (Mais, bon, c'est pour une bonne cause !)

Réplique mémorable : Guy L'Ecuyer racontant ce qu'il a vu la veille : "J'ai vu un oeuf gros comme un avion se poser dans le village ! Pis la poule qui l'a pondu entre pas dans mon poulailler !"

Friday, October 22, 2010

L'EAU CHAUDE, L'EAU FRETTE (1976)


André Forcier pris sur le vif lors du tournage du film LE VENT DU WYOMING (1994 - avec ici le directeur photo Georges Dufaux).


Surprise cette semaine : mon “sitemeter” (indicateur du nombre et de la provenance des visiteurs sur ce blogue), que je n’avais pas consulté depuis longtemps, m’apprend que ce blogue est maintenant majoritairement visité par des cinéphiles de la France (4 fois plus nombreux que les lecteurs du Québec, d'où il est pourtant rédigé !). Viennent ensuite les lecteurs du Québec, puis ceux de la Belgique (ce qui me rappelle qu’il faudrait bien que je parle un jour de l’excellent film culte belge C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ-VOUS !). Autre fait surprenant : les articles les plus visités sont ceux consacrés au film culte québécois LA POMME, LA QUEUE ET LES PEPINS (sans doute parce que c’est un film pratiquement impossible à trouver, même au Québec), au film KISS ME DEADLY (hmmm ? Amateurs de Nouvelle Vague ?) et, en première position, l'article sur la série L’ODYSSÉE (Alors la vraiment je suis bouche bée ! Pourquoi tant d’intérêt pour cette série obscure ?). Intéressant tout ca ! Ca permet de réajuster le tir …

J'en profite donc pour parler cette semaine d'un réalisateur québécois culte, André Forcier, dont les films ont presque tous atteint le statut de films cultes au Québec mais ont peu circulé en France (moins, en tout cas, que ceux d'un Denys Arcand ou d'un Xavier Dolan). Lors de son récent passage à l'émission TOUT LE MONDE EN PARLE, le journaliste Louis-Bernard Robitaille, auteur du livre La conquête de Paris : la saga des artistes québécois en France, a comparé André Forcier à un Fellini ou un Kusturica, déclarant que les films de Forcier ne marchaient pas en France en raison de la langue qui y était parlée (joual québécois), précisant que les versions traduites ou sous-titrées de ses films avaient très bien marché dans des pays comme l'Allemagne ou l'Argentine.

Je me ferai plaisir en choisissant le film de Forcier que j'aime le plus, c'est-à-dire L'EAU CHAUDE, L'EAU FRETTE sorti en 1976.

Synopsis : C'est l'anniversaire de Polo (Jean Lapointe), propriétaire véreux d'un édifice à logements coin Rachel et St-Denis à Montréal. Polo fait de l'argent en louant des chambres à une panoplie de paumés de la pire espèce (la vieille Mlle Vanasse (Anne-Marie Ducharme) qui cherche à séduire le vieux M. Croteau (Albert Payette) en charge d'organiser la fête de Polo, la belle Carmen (Sophie Clément) qui habite avec sa jeune fille Francine (Louise Gagnon) malade du coeur et très délurée..., etc.). Polo fait aussi du prêt usurier auprès de désespérés dont il profite sans scrupules. S'ajoutent à cette faune bigarrée Ti-Guy (Rejean Audet), jeune délinquant et copain de Francine et surtout Julien le livreur (excellent Jean-Pierre Bergeron), amoureux transi de Carmen mais trop timide pour le lui déclarer. Incapable de voir Carmen s'attacher de plus en plus à Polo, Julien prépare une vengeance qu'il compte assouvir le soir de l'anniversaire de ce dernier ...


Si je préfère L'EAU CHAUDE L'EAU FRETTE aux autres films de Forcier, c'est probablement parce qu'il est plus ancré dans la réalité que tous ses autres films auxquels on a souvent reproché leur côté trop "surréaliste" (AU CLAIR DE LA LUNE), ou trop peuplé de personnages tellement déjantés et excentriques qu'ils rendent difficile toute identification de la part du spectateur (ex : LA COMTESSE DE BATON ROUGE, LE VENT DU WYOMING). L'EAU CHAUDE L'EAU FRETTE, au contraire, nous plonge de façon souvent très crue dans la triste réalité de personnages misérables et criant de vérité qui tentent tant bien que mal de trouver le bonheur malgré les épreuves que la vie leur a balancé (le handicap de Francine) et les limites imposées par leur condition sociale (Carmen, sans le sou, est réduite par Polo à payer son loyer "en nature »).

Bizarrement, le film de Forcier me rappelle un peu le film AFFREUX SALES ET MÉCHANTS d'Ettore Scola (sorti la même année) puisqu'on trace dans les deux cas le portrait d'une famille (réelle dans le film de Scola, composée de locataires dans celui de Forcier) où tout gravite autour du personnage qui détient le pouvoir suprême, c'est-à-dire l'argent (argent caché et que l'on essaie maladivement de trouver dans le film de Scola ou argent que l'on doit emprunter ou remettre à Polo dans le film de Forcier). Or là où Scola traçait un portrait dégradant de personnages sans scrupules et prêts à tout pour mettre la main sur de l'argent (même à tuer leur père !), Forcier, lui, met en scène des personnages qui, bien que misérables, n'en perdent pas pour autant leur humanité et parviennent à s'accrocher à des moments de bonheur passager qui suffiront, un temps, à les réconforter : Julien le livreur qui réussit enfin à convaincre Carmen à faire un tour avec lui sur son sidecar, M. Croteau qui, durant la fête, s'entête à réciter des poèmes devant un public hostile (- Mes amis, mes amis ! - On n'est pas tes amis ! ), la vieille dame (Mlle Vanasse) qui tente désespérément de séduire M. Croteau (- Croyez-vous que je devrais me donner à lui ?) et Francoise, la propriétaire du Snack Bar, qui bouffe constamment les chocolats qu'elle vend et qui, après la fête, remplit sa sacoche avec les restes de bouffe et part avec la tête de cochon sous le bras !! (voir extrait ci-dessous). Chacun trouve son bonheur là ou il le peut …



Forcier injecte une bonne dose d’humour au film (il faut voir Julien utiliser le pacemaker de Francine pour "booster" le moteur de son sidecar !) et fait une courte apparition caméo en client du snack bar accompagné de Carole Laure. On appréciera aussi la scène suivante durant laquelle Francine s'enferme dans une chambre et ou chacun des personnages essaie à sa facon de la convaincre de sortir :



Côté mise en scène, on peut apercevoir durant la scène de la fête de Polo la future chroniqueuse artistique Francine Grimaldi (!) qui reprend un peu le rôle de fille facile qu'elle interprétait dans LA POMME, LA QUEUE ET LES PEPINS ....

BONUS : Images prises sur le vif du tournage du film LE VENT DU WYOMING par l'auteur de ce blogue qui est tombé par hasard sur Forcier et son équipe à l'oeuvre près de la rue Peel à Montréal (Hiver 1994). Forcier (au centre, avec tuque et écouteurs) tentait avec humour de contrôler le chaos inhérent à un tournage extérieur et sa bonne humeur était contagieuse.



Thursday, September 23, 2010

THE SILENT PARTNER (1978)



En 2007, Lions Gate a fait plaisir à de nombreux cinéphiles en offrant ENFIN en DVD une version potable du film canadien THE SILENT PARTNER, thriller culte des années 70s dont le scénario fort habile (gracieuseté de Curtis Hanson, alors à ses débuts, qui adapte ici un roman danois de Anders Bodelsen) n'est pas sans rappeler le CHARLEY VARRICK de Don Siegel (ici).

Synopsis : Miles Cullen (Elliot Gould) est un employé de banque timide et célibataire dont la vie routinière aurait besoin d'une bonne dose d'adrénaline. Cette dose lui tombe du ciel sous la forme de Harry Reikle, (Christopher Plummer, dans un contre emploi étonnant), voleur particulièrement sadique qui braque sa banque et réussit à prendre la fuite avec $ 2 000 dollars. Le hic, c'est que les journaux parlent le lendemain d'un vol de plus de $ 50 000 dollars ! C'est que Miles avait prévu le coup et s'est arrangé pour que la plus grande partie du magot "volé" se retrouve en fait dans un coffre bancaire personnel dont lui seul possède la clef ! Plan ingénieux et apparemment sans failles, si ce n'était de l'entêtement de Reikle qui est prêt à tout pour mettre la main sur l'argent qui lui a été si habilement subtilisé par Miles. Commence alors un dangereux jeu de chat et de souris entre les deux "partenaires", Miles se révélant un adversaire aussi redoutable que Reikle ...

Sur la couverture des livres CULT MOVIES de Danny Peary, ce dernier décrit les films cultes à l'aide de quatre qualificatifs : THE CLASSICS (les classiques), THE SLEEPERS (les films qui sont passés inaperçus), THE WEIRD (les films étranges) et THE WONDERFUL (les films merveilleux). Je crois qu'aucun film ne définit mieux le concept de "sleeper film" que THE SILENT PARTNER, film canadien qui, à sa sortie en 1978, est passé complètement inaperçu (malgré d'excellentes critiques, dont celle de Roger Ebert, ici) mais qui, au fil des années, a tranquillement trouvé son public (voir tous les commentaires élogieux sur le site imbd).

Pas surprenant, remarquez, puisque le film bénéficie d'un scénario bien ficelé qui ne comprend pas d'incohérences flagrantes, ce qui est trop souvent le cas dans ces "thrillers" modernes trop axés sur l'action et la surenchère d'effets spéciaux au détriment de la logique. Dans THE SILENT PARTNER, tout se tient et les personnages agissent probablement de la même façon que le ferait le spectateur moyen. L'effet est accru du fait que le protagoniste principal (Elliot Gould) est un Monsieur-tout-le-monde anonyme avec lequel il est facile de s'identifier et qui se retrouve tout d'un coup impliqué dans des évènements extraordinaires dont il parvient ingénieusement à tirer profit. (Intéressant débat moral et éthique ici, puisqu'on se retrouve à vouloir le voir triompher alors qu'il est en fait lui-même un voleur (comme dans CHARLEY VARRICK) ! Ce genre de personnage à la morale "élastique" reviendra souvent dans les autres films de Curtis Hanson (L.A. CONFIDENTIAL, BAD INFLUENCE, etc..).

Autres éléments intéressants : le film ayant été financé par le programme de crédits d'impôt canadien, on y retrouve des éléments typiquement canadiens qui peuvent faire sourire aujourd'hui (tournage principalement effectué au Centre Eaton de Toronto, drapeau canadien visible dans plusieurs séquences, excellente trame sonore du jazzman canadien Oscar Peterson (!), et présence dans les rôles secondaires d'un très jeune John Candy (rôle presque muet) et de la superbe actrice québécoise Céline Lomez dont le personnage connaît une fin particulièrement atroce (voir extrait ci-dessous).

Le succès du film repose essentiellement sur le duel d'acteur Gould/Plummer, les deux offrant des performances inoubliables, Gould étant moins maniéré qu'à l'habitude et Plummer composant un personnage de psychopathe tout à fait crédible et terrifiant. On appréciera entre autres la scène où Plummer, dont on n'aperçoit que les yeux à travers la fente de la porte de l'appartement de Gould, prévient ce dernier qu'il ne reculera devant rien pour atteindre son objectif.

Tout apprenti scénariste pourrait tirer des leçons de ce film sur la façon de créer des personnages secondaires intéressants : le personnage joué par Susannah York, entre autres, en est un bel exemple. Elle n'apporte rien au développement de l'intrigue (sinon qu'un "love interest" vite oublié dès qu'apparaît le personnage de Céline Lomez) MAIS Hanson en fait quand même un personnage crédible de dépendante affective complètement paumée qui couche avec son patron marié tout en démontrant un intérêt marqué pour le mystérieux Miles. Ce dernier, à mesure qu'il déjoue les pièges de Plummer, devient de moins en moins timide et de plus en plus audacieux, son personnage faisant ainsi montre d'une réelle évolution psychologique tout le long du film. Le film est rempli de moments qui n'avancent nullement l'intrigue mais qui mettent à jour des aspects amusants de certains personnages

Bref, un film remarquable à tous points de vue, plein de revirements inattendus et que l'on peut maintenant redécouvrir en DVD (malgré une pochette plutôt mal foutue qui n'a rien à voir avec le film et sur laquelle on retrouve une grossière erreur ! (Ils ont écrit Suzanne York au lieu de Suzannah York !! Faut le faire quand même ! Voir pochette ici).

Avertissement : bizarrement, le film comporte une scène gore qui détonne complètement avec le reste du film et qui risque de choquer certaines âmes sensibles (voir ci-dessous la scène où Christopher Plummer tue Céline Lomez d'une façon horrible !

Thursday, September 2, 2010

TWO-LANE BLACKTOP/THE VANISHING POINT (1971)



" If I'm not grounded pretty soon, I'm gonna go into orbit ..." Warren Oates dans TWO-LANE BLACKTOP

De nombreux films cultes le deviennent en raison du mystère/légendes urbaines qui circulent à leur sujet (ex : Comment David Lynch a-t-il réalisé les effets spéciaux du bébé-monstre de ERASERHEAD (secret qu’il n’a encore jamais dévoilé) ? etc.).

D’autres le deviennent parce qu’ils sortent en salles à un moment formidablement opportun et que toute une génération de spectateurs s’identifient allègrement aux personnages principaux (on pense tout de suite à EASY RIDER ou à THE GRADUATE, à la fois films cultes ET grands succès commerciaux de la fin des années 60). Dans la même veine et à la même époque, on retrouve aussi ces deux films cultes existentialistes moins connus que sont VANISHING POINT (1971) (v.f. POINT LIMITE ZERO) et TWO-LANE BLACKTOP (1971) (v.f. MACADAM A DEUX VOIES), véritables hommages au culte que vouent les américains à l’automobile.


Synopsis : Dans VANISHING POINT, un vétéran du Vietnam appelé Kowalski (Barry Newman) décide sur un coup de tête qu'il va conduire sa Dodge Challenger 1970 de Denver à San Francisco en un temps record, faisant fi des lois et de la police qui est vite à ses trousses. Sur la route, il rencontre divers représentants de la contre-culture hippie de l'époque qui, d'une manière ou d'une autre, lui viennent en aide, le tout au son d'une excellente trame sonore des années 70s. TWO-LANE BLACKTOP est un film à l'image de ses deux protagonistes : peu bavard et dénué d'émotion. En fait, on pousse la symbolique existentialiste jusqu'à ne pas donner de noms aux personnages principaux ! Ainsi, le Conducteur (le chanteur James Taylor) et le Mécanicien (Dennis Wilson, ex-batteur des Beach Boys) ne vivent que pour rafistoler leur Chevrolet 55 et participer à des courses de hot-rods. Sur la route, ils rencontrent l'excentrique et verbomoteur Warren Oates au volant de sa GTO. Ce dernier leur propose une course à laquelle ils participent sans grand enthousiaste, jusqu'à ce qu'ils y perdent tout intérêt et qu'ils retournent à leur seule et véritable passion : les courses de hot-rods.

Points forts : VANISHING POINT possède quelque chose qui fait terriblement défaut à TWO-LANE BLACKTOP, soit une trame sonore entraînante faite de grands succès de l'époque (on les retrouve presque tous sur YOUTUBE). Et puis il est beaucoup plus facile de s'identifier au sympathique rebelle qu’est le Kowalski de VANISHING POINT qu'aux deux anonymes protagonistes de TWO-LANE BLACKTOP qui vivent dans leur bulle et se foutent complètement des gens qu'ils rencontrent sur la route (dont une jeune hippie (la Fille) qui entre et sort de leur voiture au gré de ses humeurs et à laquelle ils ne prêtent aucune attention). Je comprends que le réalisateur Monty Hellman cherchait à illustrer le vide existentiel de ces deux fous de la vitesse, mais si ce n'était de la vibrante performance de Warren Oates en conducteur complètement déjanté, ce film serait d'un ennui Antonioniesque . Dommage que le réalisateur ait choisi au montage de retirer les scènes qui nous en apprenaient plus sur les motivations des personnages (comme il l'avoue dans le commentaire qui accompagne le film). La version CRITERION du film offre un livret comportant l'excellent scénario original complet qui nous donne une meilleure idée de ce que ce film aurait pu être ...
VANISHING POINT bénéficie entre autres du travail du talentueux directeur photo John A. Alonzo, dont les superbes images donnent carrément le goût d'aller se perdre en voiture sur les routes désertiques du Névada. Et, malgré ses défauts, TWO-LANE BLACKTOP comporte une des finales les plus hallucinantes (pour ne pas dire complètement pétée et psychédélique) qui soit, donnant tout son sens à ce qu'on appelait à l'époque un HEAD Movie, soit un film à voir sous l'effet de substances illicites ... (voir extrait ci-dessous). Et puis il y a la performance exceptionnelle de Warren Oates, qui porte le film sur ses épaules ... « Those satisfactions are permanent ! »


Citation : TWOLANE BLACKTOP : Warren Oates, exprimant sa quête existentielle comme lui seul peut le faire :
« If I'm not grounded pretty soon, I'm gonna go into orbit ! »
(Si je ne me pose pas quelque part bientôt, je vais partir en orbite !)


Une des nombreuses pieces musicales de VANISHING POINT disponible sur YOUTUBE :



Warren Oates (TWO-LANE BLACKTOP) : " Just colour me gone, Baby !" (3:44)



Finale psychedelique de TWO-LANE BLACKTOP (vers 3:12): "Those satisfactions are permanent ..."

Tuesday, July 27, 2010

SECONDS (1966)




Recommencer votre vie à zéro, dans un environnement différent, dans un CORPS différent, ça vous dirait ? Et que seriez-vous prêt à sacrifier pour cette seconde chance ? C’est le genre de question que pose le film culte SECONDS de John Frankenheimer.


Synopsis : Arthur Hamilton (John Randolph) est un banquier de 50 ans qui semble tout avoir pour être heureux : belle situation, demeure cossue, épouse attentionnée, fille bien mariée, etc. Mais les premières images du film nous le montre pourtant triste, déprimé et incapable de faire l’amour avec sa femme tellement leur relation est devenue routinière. C’est pourquoi il ne peut résister à l’offre qui lui est faite par " la Compagnie ", une organisation qui, moyennant une forte somme d’argent, propose à Arthur de simuler sa propre mort (via un incendie rendant son "cadavre" méconnaissable) pour le faire renaître (via la chirurgie plastique) à une toute nouvelle vie et dans un nouveau corps (Rock Hudson). Mais pourra-t-il enfin trouver le bonheur ?


Points forts : Il faut reconnaître le courage de Frankenheimer d’avoir osé porter à l’écran un récit si déprimant et peu commercial, et de l’avoir fait de façon aussi captivante. Le ton est donné dès le générique d’ouverture : partition musicale d’épouvante (à l’orgue d’église) de Jerry Goldsmith, images distortionnées, abondance (surabondance ?) de caméra à l’épaule (et même, des années avant Aronofsky, recours à la snorricam (caméra attachée sur l’acteur) pour provoquer cet effet de flottement si déstabilisant), bref, tout l’aspect visuel et sonore du film illustre à merveille le vide intérieur du personnage principal et sa sensation d’isolement face au monde qui l’entoure. Sensation qui disparaît complètement dès qu’il rencontre le directeur de la Compagnie (un vieillard !) qui lui offre une nouvelle vie. Tout semble rentrer dans l’ordre lorsqu’il réapparaît sous les traits de Rock Hudson et qu’il commence sa nouvelle vie d’artiste peintre célibataire (portant le nom de Tony Wilson) entouré d’amis branchés. Mais la lune de miel ne dure pas longtemps ...

Tranquillement, Arthur/Tony se met à regretter son ancienne vie, ce que de nombreux critiques n’ont pas compris à l’époque de la sortie du film. "Le film ne réussit pas à expliquer pourquoi Arthur/Tony devient si désenchanté de sa nouvelle vie " pouvait-on lire. Mais a-t-on besoin d’une telle explication ? Il me semble que le message est pourtant bien clair : à quoi cela sert-il de changer notre environnement ou notre corps (via la chirurgie plastique, le gym, etc) quand c’est notre âme qui est malade ! Et puis l’explication est subtilement (trop subtilement peut-être ?) donnée dans le film durant cette superbe scène où Arthur/Tony rend visite à son ex-épouse qui le croit mort. Se faisant passer pour un ex-ami de son "défunt mari", il la questionne à son sujet. Elle lui répond que son ex-mari (Arthur) " a passé sa vie à travailler si dur pour obtenir ce qu’on lui avait appris a desirer que, quand il l'a obtenu, il est devenu de plus en plus confus et triste. En fait, il était mort bien avant qu’il ne meure dans cet incendie."

Cette révélation bouleverse Arthur/Tony, qui comprend soudainement ce qui n’allait pas dans sa première vie (et qui ne va toujours pas dans sa seconde vie). Il en discute avec le directeur de la compagnie :

Tony : - Je sais que je n'avais pas le droit d'entrer en contact avec mon ex-femme, mais il fallait que je comprenne ce qui n'avait pas marché ... Toutes ces années que j'ai perdues à obtenir ces choses que les gens prétendaient être si importantes ... Des choses ! pas des êtres humains ... ou un sens à ma vie ... DES CHOSES !
Directeur : - J'espérais que vous puissiez réaliser votre rêve dans votre nouvelle vie ...
Tony : - Je crois que je n'ai jamais eu de rêve ...
Directeur : - C'est sûrement là que se trouve l'explication ...


Ce triste constat mène à une séquence finale inoubliable de cynisme et de cruauté.

Générique de SECONDS (concu par Saul Bass) dont certaines images seront réutilisées des années plus tard par Martin Scorsese pour le générique de CAPE FEAR :




Citation : Le directeur de la compagnie cherchant à convaincre Arthur du bienfait de l’opération :

Directeur - Vous ne manquerez à personne.
Arthur - Il y a ma femme !
Directeur - Vraiment ? Et qu'êtes-vous à ses yeux maintenant ?
Arthur - (soupir) ... Nous nous entendons ... Sans plus ... mais il y a ma fille.
Directeur - Vraiment ?
Arthur - En fait, nous ne la voyons plus vraiment depuis qu'elle est mariée ...
Directeur - Tout ce que vous énumerez, qu'est-ce que ça représente maintenant ? Rien du tout !
Arthur - (soupir) Je n'y avais jamais réfléchi ...


Bande annonce de SECONDS :

Tuesday, June 22, 2010

THE BOONDOCK SAINTS (1999)


« Il faut trois choses pour faire un bon film : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. »
Jean Gabin

Entièrement d’accord avec cette citation et il semble que ce soit ce que Troy Duffy, obscur barman et musicien/scénariste amateur de Boston, a réussi à écrire en 1997, car son scénario de film (THE BOONDOCK SAINTS), relatant les exploits d'un duo de frères irlandais assoiffés de justice et décrit comme une espèce de « PULP FICTION with soul » suscita un vif intérêt de la part de Harvey Weinstein de Miramax (celui-là même qui avait justement produit le PULP FICTION de Tarantino). Weinstein offrit a Duffy une entente extraordinaire : 300 000 $ pour le scénario de BOONDOCK SAINTS, un budget de 15 millions et la possibilité pour Duffy de réaliser lui-même le film et d’en composer la trame sonore avec son groupe musical. Une entente fantastique, vous pensez ? Du genre qui ne survient qu’une fois dans une vie ? Et qu’aucun jeune réalisateur ne chercherait à bousiller ?

Hé bien c’est pourtant ce qu’a réussi à faire Troy Duffy ! Un documentaire intitulé OVERNIGHT a été réalisé sur les coulisses du tournage du film THE BOONDOCK SAINTS et pourrait servir de leçon à tout jeune réalisateur sur ce qu’il ne faut PAS faire si l’on espère avoir une longue et fructueuse carrière au cinéma.

Première erreur de Duffy : AVANT MÊME D’AVOIR TOURNÉ QUOI QUE CE SOIT, Duffy recrute deux de ses potes pour qu’ils commencent à tourner un documentaire entièrement consacré au génie créatif de Duffy et de son groupe musical qui, comme il le dit dans l’extrait ci-dessous (à 6:18) : “possède plus de potentiel créatif que tout autre groupe dans l’histoire de cette ville. » (!!) (En guise de comparaison, imaginez ce qu’on aurait dit ici si Xavier Dolan avait commencé à tourner un documentaire sur son génie créatif avant même d’avoir tourné une seule scène de son premier film !)



Seconde erreur : il adopte une attitude conflictuelle lors de ses conversations avec les différents producteurs (voir ci-dessous à 6:15), s’attirant les foudres d’une haute gestionnaire de chez Miramax (Meryl Poster). Résultat : Harvey Weinstein laisse tomber le projet. Duffy se retrouve sans producteur et le projet de film est interrompu.



Finalement, une compagnie indépendante, Franchise Film, accepte de financer le film avec une fraction du budget que lui offrait Miramax. Duffy accepte et le tournage commence, mais Duffy continue d’agir avec son équipe de façon outrageuse (ci-dessous, à 7:00).



Autre erreur : Duffy, non satisfait de tourner son premier film, veut profiter de cette opportunité pour lancer la carrière de son groupe musical. Une entente est signée avec Atlantic Records, entente dont bénéficieront potentiellement les membres du groupe mais PAS les deux potes responsables du documentaire, qui ont pourtant mis beaucoup de temps et d’argent dans les projets de Duffy. Dans la scène qui suit, ils tentent tous de s’expliquer mais la rancœur accumulée provoque une engueulade (à 4:00).



Au printemps 1999, BOONDOCK SAINTS est présenté au festival de Cannes. Sur place, Duffy ne peut s’empêcher de pavaner devant la caméra : “Je crois que nous avons réalisé le meilleur film indépendant jamais tourné ! » (à 0:33). Pourtant, AUCUNE offre n’est faite à Duffy pour la distribution de son film. (La présence de Weinstein au festival (voir à 4 :57) y serait-elle pour quelque chose ?)



Duffy est invité à prendre la parole devant un groupe d'étudiants en cinéma. Même dans ce contexte anodin, il adopte une attitude conflictuelle (voir ci-dessous, au tout début de l’extrait).



Finalement, l’album du groupe ne vendra que 690 copies et le film BOONDOCK SAINTS ne sera pas distribué en salles. Comme le dit une femme oeuvrant dans le domaine (à 3:41, extrait précédent) : “Dès que Harvey Weinstein a laissé tombé ce film, aucun studio majeur n’allait oser le reprendre à sa place. Duffy s’est tiré dans le pied, et Weinstein s’est fait un devoir de lui démontrer que de la même façon qu’il a pu le sortir de l’anonymat et lui donner sa chance, il pouvait tout aussi rapidement mettre un terme à sa carrière …”

DANS CE CONTEXTE, (et en gardant à l’esprit que le documentaire a été tourné et monté par deux personnes qui détestent Duffy !), force est d’admirer la détermination dont a fait preuve Duffy tout le long de ce combat entre David et Goliath. Oui, Duffy est baveux, oui, il a une grande gueule et se comporte en « bully », mais reste qu’il a quand même réussi à réaliser comme il le voulait un film qui, depuis sa sortie en DVD, fait l’objet d’un véritable culte, entre autres au Canada et au japon (surtout auprès d’un jeune public qui retrouve dans BOONDOCK SAINTS un film d’action à la Tarantino mais dépourvu des longues scènes de dialogues tarantinesques dont ils ne sont pas nécessairement friands).

En fait, malgré quelques scènes franchement exagérées (la scène où un mec armé jusqu’aux dents tire A BOUT PORTANT sur les trois héros sans jamais vraiment les atteindre ! - Voir extrait ci-dessous) et des emprunts trop évidents à Tarantino (les deux frères qui récitent une prière avant de tuer leurs victimes, comme le faisait Samuel Jackson dans PULP FICTION), BOONDOCK SAINTS demeure un très bon film d’action défilant à un rythme d’enfer et non dépourvu de style (voir la scène géniale ci-dessous où le détective campé par Willem Dafoe relate sa version des faits et se retrouve lui-même en plein milieu de l’action).

"OK, here's what happened ..." (à partir de 2:37)



Dommage pour Troy Duffy, qui n’a même pas été foutu par la suite de profiter du succès inespéré de son film, son contrat n’ayant pas fait de lui l’un des bénéficiaires des profits du film !! Il n’a pas su gérer la chance qui s’offrait à lui … Le documentaire OVERNIGHT se termine par cette citation très pertinente d’Albert Goldman : « Le succès ne change pas vraiment un homme. Le succès a plutôt l’effet d’un sérum de vérité qui révèle la véritable personnalité d’un individu … »

Wednesday, June 2, 2010

IL ETAIT UNE FOIS DANS L'EST (1974)


André Brassard est surtout connu comme homme de théâtre ayant mis en scène la plupart des pièces de l’écrivain et dramaturge Michel Tremblay (Les Belles-Sœurs, La Duchesse de Langeais, Hosanna, Albertine en cinq temps, etc.). Ce qu’on oublie souvent, c’est que ces deux grands maîtres ont déjà uni leurs talents afin de réaliser ce film culte inoubliable qu’est IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’EST (1974).

Synopsis : Quelque part dans l’Est de Montréal, Germaine (Manda Parent), pauvre femme qui n’a « jamais rien gagné de sa vie », remporte un million de timbres GOLD STAR et invite ses amies chez-elle pour fêter ça. Ailleurs, Hosanna (Jean Archambault) prépare avec fébrilité son grand retour sur la scène du bar de travesti le plus hot de la Maine, Pierrette (Michelle Rossignol) boit pour oublier le départ de Johnny, Maurice (Denis Drouin) multiplie les combines pour “faire la piasse”, Hélène (Denis Filiatrault) quitte sa job de waitress, Lise (Frédérique Collin) cherche par tous les moyens à se faire avorter et Sandra (André Montmorency) prépare une cruelle vengeance dont Hosanna sera la victime …

Le film étant un amalgame de plusieurs pièces de théâtre de Michel Tremblay ayant toutes déjà été mises en scène par Brassard (Les Belles-Sœurs, La Duchesse de Langeais, Hosanna), on ne sera pas surpris de constater que la force du film réside dans l’excellente direction d’acteurs qui, dans bien des cas, reprennent ici le rôle qu’ils avaient interprété moult fois au théâtre. Ce qui surprend, c’est le talent de Brassard comme réalisateur, car rappelons qu’il en était là à SON PREMIER FILM ! (Il n’avait avant cela réalisé que le court métrage Françoise Durocher waitress). Force est d’admirer l’audace dont il fit preuve en s’attaquant à un film aux intrigues et aux personnages si nombreux, ce qui complique passablement les choses au moment du montage final, mais Brassard relève le défi avec brio, brossant un tableau fascinant de personnages paumés, désespérés et pas toujours sympathiques, mais qu’il observe sans les juger. Les trois intrigues principales culminent en une apothéose explosive, le film se terminant sur une note tragique.


Hélène la waitress (Denise Filiatrault) rend son tablier à sa facon …



Caméo explosif de Rita Lafontaine qui vole le show le temps d’un plan-séquence pour balancer quelques vérités à sa soeur Carmen (Sophie Clement)



Séquence très (trop ?) théâtrale qui détonne un peu avec le reste du film et qui en révèle les origines.



Ose Hanna ! La Maine se déchaîne ...

Monday, May 31, 2010

BLACK SABBATH - LES TROIS VISAGES DE LA PEUR - I TRE VOLTI DELLA PAURA (1963) de Mario Bava



I’m a BIG Mario Bava fan. He was one of my first heroes. My use of colour is totally stolen from Bava, even though I know I’ll never be as good as him …” Quentin Tarantino

En plus de se déclarer un fan de Mario Bava dans la citation ci-dessus, Tarantino a déjà dit que la structure éclatée de PULP FICTION (et ses nombreuses intrigues entremêlées) lui avait été inspirée par le film d’anthologie BLACK SABBATH/LES TROIS VISAGES DE LA PEUR réalisé par Bava en 1963. « Je voulais faire avec le film noir ce que Bava a fait à cette époque avec le cinéma d’horreur. » dit-il. Noble intention de sa part, quoiqu’il faut préciser que, contrairement à PULP FICTION, les trois récits d’horreur racontés dans BLACK SABBATH/LES TROIS VISAGES DE LA PEUR ne sont pas du tout reliés entre eux et constituent chacun un court métrage en soi.

Le films d’anthologie étaient très populaires dans les années 60, en particulier en Europe, avec des titres comme L’AMOUR A VINGT ANS (1962 - regroupant de courts films de Truffaut, Wajda, Ophuls, etc.), BOCCACCIO 70 (1962 - Sketchs de Fellini, Visconti et De Sica) et, dans le domaine du cinéma fantastique, l’excellent HISTOIRES EXTRAORDINAIRES (1968), comportant trois récits inspirés d’Edgar Allan Poe.

Aux États-unis, des séries d’anthologie comme TWILIGHT ZONE, THE OUTER LIMITS (AU-DELA DU RÉEL), ALFRED HITCHCOCK PRESENTS et THRILLER (cette dernière animée par nul autre que Boris Karloff) connaissaient un grand succès. Il était donc inévitable qu’une compagnie de production de films exploite le filon, et la première à le faire fut l’American International Pictures (AIP) pour laquelle Roger Corman tourna TALES OF TERROR (1962) (comportant trois récits de Poe adaptés par Richard Matheson). AIP suivit ce succès par THE RAVEN (1963) mettant en vedette Vincent Price, Jack Nicholson (alors âgé de 26 ans !) et Boris Karloff. Karloff venait de signer un contrat avec AIP pour tourner avec eux plusieurs films d’horreur, et le succès de TALES OF TERROR amena AIP à songer à répéter l’expérience en recrutant les services du talentueux réalisateur italien Mario Bava (qui avait réalisé la même année l’excellent « giallo » italien THE GIRL WHO KNEW TOO MUCH, que AIP avait distribué aux États-Unis). Karloff fut engagé pour jouer un vampire (la seule fois dans sa carrière) dans l’un des trois récits de BLACK SABBATH (le WURDALAK, les deux autres récits s’intitulant LE TÉLÉPHONE et LA GOUTTE D’EAU) et l’ensemble du film fut tourné aux studios Cinecitta à Rome.

Pour se différencier des autres films d’anthologie de AIP, Bava adapta des récits d’épouvante peu connus dont on ne peut vraiment retracer les origines (quoique LE WURDALAK comporte des éléments du conte LA PEUR de Guy de Maupassant). Comme ce fut souvent le cas a cette époque, une version du film fut tournée en italien par Bava (appelons cela la “director’s cut », qui correspond VRAIMENT à la vision du réalisateur) et une autre fut remontée (nouvelle trame sonore de Les Baxter remplacant celle de Roberto Nicolosi et ajouts d’introductions de chaque récits faites par Boris Karloff) et distribuée aux États-Unis par AIP. Pendant des années, c’est malheureusement cette version tronquée et CENSURÉE qui a été diffusée chez-nous. Heureusement, Anchor Bay a récemment sorti une magnifique copie du film en DVD (ici) offerte en version originale italienne avec sous-titres anglais ! C’est la seule version qui rend vraiment hommage à ce grand classique de l’horreur qu'est BLACK SABBATH

L’histoire la plus mémorable de BLACK SABBATH/LES TROIS VISAGES DE LA PEUR demeure sans doutes LE WURDALAK, mais ce n’est pas tant en raison du récit (Un vieux vampire (Karloff) retourne dans sa famille avec l’intention d’en contaminer chacun des membres) qu'en raison de l’étonnante efficacité de la mise en scène de Bava qui, comme toujours, réussit à accomplir beaucoup avec peu de moyens. Il faut rappeler que Bava était peintre de formation et talenteux directeur photo : dans LE WURDALAK, il parvient à créer, au seul moyen des éclairages et de la couleur, un climat de terreur à la limite du supportable. Jugez-en vous même, en regardant la scène suivante ou, à partir de 2:50, Karloff revient chez-lui après une longue absence, chacun des membres de sa famille se demandant s’il est devenu un vampire :



Scène graphique censurée dans la version américaine du film (ci-dessus, à 8:46) : Karloff, baigné des éclairages oranges et rouges chers à Bava, nous montre ce qu’il cache dans son sac !

Moment de terreur inoubliable : après avoir été kidnappé par son grand-père vampire, le petit Ivan revient à la maison en suppliant sa mère de le laisser entrer (au tout debut de l'extrait).



Pour la première fois dans le cinéma d’horreur (et cinq ans avant NIGHT OF THE LIVING DEAD), le Mal triomphe (a 7:40) !



Dans LA GOUTTE D’EAU, une infirmière vole la bague d’une morte et est hantée par le fantôme de cette dernière. Dans ce récit presqu’entièrement muet, Bava démontre une fois de plus son étonnante capacité à susciter l’angoisse par l’image et les sons (qui sont ici allègrement amplifiés).


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Revirement final italien de IL TELEFONO (voir le contenu de la lettre a 2:55):



Revirement final americain de THE TELEPHONE (voir le contenu completement different de la lettre a 2:15):

Tuesday, May 25, 2010

THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (1935)


" I drink to a new world of Gods and Monsters !"
Dr Praetorius dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN

Le cinéaste américain James Whale est surtout connu pour ces films cultes que sont FRANKENSTEIN (1931), THE INVISIBLE MAN (1933) et THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (1935), tous des classiques du cinéma fantastique (y compris le toujours introuvable THE OLD DARK HOUSE (1932)).

THE BRIDE OF FRANKENSTEIN demeure son oeuvre la plus achevée et bien qu’étant une espèce de “suite” à son FRANKENSTEIN réalisé quatre ans plus tôt, THE BRIDE OF FRANKENSTEIN est une oeuvre parfaitement autonome et en tous points supérieure au premier film de la série.

Quatre années séparent les deux oeuvres, et c’est peut-être ce qui en explique les différences. A cette époque des débuts du cinéma sonore, qui sait quels avancements technologiques ont pu, en l’espace de quatre années, permettre à Whale d’aller jusqu’au bout de sa vision dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN, mais reste que la différence entre les deux films est frappante : la mise en scène de FRANKENSTEIN est statique et théâtrale (peut-être en raison des contraintes techniques de l’époque ?), alors que celle de THE BRIDE est audacieuse, captivante et caractérisée par une surenchère expressionniste qui impressionne encore aujourd’hui. On n’a qu’a regarder les séquences de “création de monstre” des deux films pour s’en rendre compte : celle de FRANKENSTEIN (un long plan séquence nous montre la plateforme monter et descendre, a partir de 2:22) :




Et celle de THE BRIDE OF FRANKENSTEIN (a partir de 4:30) : délirante cacophonie sonore et visuelle appuyée par un montage nerveux et efficace.



Apres le succès du premier FRANKENSTEIN, Whale a obtenu carte blanche pour faire ce qu’il voulait dans THE BRIDE OF FRANKENSTEIN. Il en a profité pour injecter au film une bonne dose d’humour noir (ce qui faisait terriblement défaut au premier film) par le biais du personnage passablement excentrique du Docteur Praetorius, individu capable de prendre un copieux repas dans une crypte remplie de morts et d’ossements humains (voir ci-dessous, a partir de 6:43) :



Il se permet aussi cette séquence qui n’avance en rien le récit mais qui constitue un amusant intermède comique, alors que Praetorius montre à Henry Frankenstein où il en est lui-même rendu en matière de “création de la vie” (a partir de 1:00) :



Plus que jamais, Whale nous présente le monstre comme un martyr victime de l’ignorance des gens qui l’entourent. Dans la scène inoubliable qui suit (a partir de 6:00), le monstre trouve un peu de répit et de compassion auprès d’un vieil aveugle :



La femme de Frankenstein n’apparaît qu’à la toute fin du film. Le maquillage créé par Jack Pierce est génial et a fait de cette créature une icône du cinéma fantastique (malgré que ce n’ait été là que sa seule (et très brève) apparition à l’écran): l’actrice Elsa Lanchester, sous la direction de Whale, lui donne vie à coups de grognements, de mouvements saccadés de la tête, et de cris stridents qu’elle pousse lorsque le monstre lui touche la main (ci-dessous, a partir de 1:40) : rejet ultime d’un monstre face à un autre, qui mènera au geste final auto-destructeur et libérateur.



Jean-Marie Sabatier, critique de cinéma francais, décrit mieux que je ne saurais le faire l’impact de l’apparition à l’écran d’Elsa lanchester dans le rôle de la Femme de Frankenstein : “1935, c’est la naissance et la mort d’Elsa Lanchester : elle disparait, et elle n’est plus que la Femme de Frankenstein, l’espace d’une brève apparition, fulgurante, inoubliable, défiant l’abime des possibles, bravant le temps et la mémoire … et il suffit d’un cri pour la précipiter dans le Néant, pour la rendre à la nuit d’où elle a surgi …”

Tout cinéphile ayant apprécié l'oeuvre de James Whale visionnera avec plaisir l'excellent film GODS AND MONSTERS (1998) de Bill Condon, relatant les dernières années tourmentées de ce cinéaste exceptionnel (interprété par Ian McKellen).

Tuesday, April 27, 2010

NIGHT OF THE LIVING DEAD (1968)



"Le silence dans la salle était total. Le film avait cessé d'être joyeusement épeurant, et il était devenu carrément terrifiant. Près de moi, une jeune spectatrice âgée d'environ 9 ans était immobile dans son siège et pleurait ..." Roger Ebert

George Romero, le réalisateur de NIGHT OF THE LIVING DEAD, premier film de la célèbre franchise des films de morts-vivants et jalon important dans l'histoire du cinéma d'horreur, n'avait jamais prévu de faire carrière à Hollywood. En 1968, Romero roulait déjà très bien sa bosse depuis des années à Pittsburgh comme réalisateur de films industriels et de commerciaux pour la télé. Dix ans plus tôt, il avait eu la chance de travailler comme machiniste sur le plateau de NORTH BY NORTHWEST de Hitchcock et qui sait si cette expérience n'a pas fait germer en lui l'idée de tourner un jour son propre film de fiction ? Reste qu'en 1968, ayant accès à tout l'équipement nécessaire pour mener à bien une telle entreprise, il écrivit une ébauche du scénario de ce qui allait devenir NIGHT OF THE LIVING DEAD.

Romero était depuis toujours un grand admirateur des fameuses bandes dessinées d'horreur E.C. Comics, éventuellement bannies aux Etats-unis en raison de leur contenu ultra-violent (Il leur rendra un vibrant hommage dans son film CREEPSHOW en 1982). Ce n'est donc pas un hasard si la trame de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS rappelle celle de nombreux TALES FROM THE CRYPT des E.C. Comics : un groupe de gens ordinaires font face à une menace horrible contre laquelle ils ne peuvent rien.

Romero réussit à convaincre une dizaine de ses amis à investir 600$ chacun dans son projet de film, recruta des acteurs amateurs parmi sa propre compagnie de production, trouva une maison pratiquement abandonnée et y tourna son film en une trentaine de jours (répartis sur neuf mois !). Le film une fois terminé, Romero se dépêcha d'en apporter une copie à Columbia Pictures, qui décidèrent qu'ils n'étaient pas intéressés à distribuer un film en noir et blanc. Il alla alors frapper à la porte des studios American International Pictures (qui produisaient depuis des années des films d'horreur à petit budget comme I WAS A TEENAGE WEREWOLF, ATTACK OF THE FIFTY-FOOT WOMAN, I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE, etc.) et ceux-ci lui demandèrent de modifier la fin de son film afin de le rendre moins pessimiste. Romero refusa. C'est finalement la compagnie Walter Reade (propriétaire de nombreuses salles de cinéma aux Etats-Unis) qui osa distribuer le film de Romero. Le succès ne fut pas instantané, mais des critiques comme celles de Roger Ebert (ici) contribuèrent à faire connaitre le film (même si c'était pour en condamner les excès !). Le bouche à oreille fit le reste, et NIGHT OF THE LIVING DEAD devint non seulement un très populaire "film de minuit" qui tint l'affiche pendant DEUX ANNEES à New York, mais reussit même l'exploit d'être présenté au Musée d'art moderne de NY !!

Pourtant, le film est LOIN d'être parfait et comporte d'irritantes erreurs techniques (faux raccords, post-synchro défaillante, séquences de nuit ou apparait la lumiere du jour, etc) qui rappellent les productions minables du fameux Ed Wood (réalisateur du navet culte PLAN 9 FROM OUTER SPACE). Comment alors en expliquer le succès ? Dans sa critique du film, Roger Ebert donne des éléments de réponse. Il faut d'abord préciser qu'il a vu le film en 1969 dans une salle ou se trouvaient des enfants laissés à eux-mêmes par des parents incroyablement insouciants ! Au tout début, comme le raconte Ebert, la salle semblait apprécier les "spooky thrills" ("amusants frissons") des premières minutes du film, alors que Barbara (Judith O'Dea) est poursuivie par un mort-vivant dans un cimetière :



Elle se cache dans une maison abandonnée, puis fait la rencontre de Ben (Duane jones), qui barricade la maison. Comme le raconte Ebert, le film devient alors "dull and talky" (ennuyant et bourré de dialogues). C'est le moment du film durant lequel on est en mesure de remarquer ses nombreux défauts :

Par exemple, dans l'extrait suivant, à 2:17 exactement, vous pouvez apercevoir juste derrière l'actrice un des poteaux (et le fil électrique) sur lequel repose l'équipement d'éclairage !



Cas classique ici de mauvais raccord dû au non-respect de l'axe qu'il ne faut pas traverser avec la caméra lorsque l'on filme une conversation entre deux personnages. L'effet est particulièrement déstabilisant à partir de 3:00 : elle le regarde dans les yeux comme si elle était assise à sa droite, mais le plan suivant, il se tourne vers elle comme si elle était à sa gauche !! ;)



Ici, à 3:45, la lumière du jour surgit ... en pleine scène nocturne !!!



On cesse toutefois de remarquer les défauts du film lorsqu'il bascule soudainement dans l'horreur absolue dans la scène ci-dessous, où les morts-vivants se battent entre eux afin de dévorer les restes calcinés du jeune couple d'amoureux (à partir de 1:25) ! Romero a l'intelligence ici de laisser tomber la musique "en canne" entendue depuis le début du film. Il la remplace par une tonalité électronique terriblement efficace. Les gros plans se succèdent, les sons de mastication sont amplifiés, les zombies se délectent d'intestins, de foie et de chair humaine et on fait allègrement éclater un des derniers tabous au cinéma : le cannibalisme. On comprend alors ce qu'Ebert voulait dire lorsqu'il décrivait la réaction des pauvres enfants en état de choc devant un tel spectacle !



A partir de ce moment, le spectateur n'a d'autre choix que d'embarquer complètement (ou de quitter la salle !) et de devenir témoin d'un véritable cauchemar où rien ne se déroulera comme il l'aurait prévu (surtout pour les spectateurs de l'époque, habitués jusqu'alors à voir les héros toujours triompher du mal). Le revirement final, particulièrement pessimiste et ironique, demeure encore aujourd'hui très audacieux.

Les critiques de l'époque s'amusèrent à voir dans le film une métaphore de l'Amérique de 1968 qui "se dévore elle-même en raisons des tensions suscitées par la guerre du Viet-Nam et l'émancipation des noirs" (puisque le héros du film est un noir), ce qui a toujours fait rire Romero. Il rappelle à tous que l'acteur noir Duane Jones a été choisi non pas en raison de la couleur de sa peau, mais simplement parce qu'il avait été le meilleur durant les auditions.

Le succès du film fut tel que Romero a pu par la suite obtenir facilement tout le financement désiré pour tourner de nombreuses suites au film (dont l'excellent DAWN OF THE DEAD (1978) qui a fait l'objet d'un remake en 2004 réalisé par Zack Snyder (réalisateur de 300). Le film culte de Romero THE CRAZIES (1972) a lui aussi récemment fait l'objet d'un excellent remake.

Pour ce qui est de NIGHT OF THE LIVING DEAD, recherchez la version DVD distribuée par ELITE Entertainment (ici), qui nous offre ENFIN une version du film d'une étonnante qualité visuelle ! Je dis cela parce que NIGHT OF THE LIVING DEAD n'a longtemps été disponible que dans la version floue que vous pouvez voir dans les extraits ci-dessus (pris sur Youtube). Ce grand classique de l'horreur reçoit enfin le traitement qu'il mérite.

Monday, March 8, 2010

THE TALL T (1957) - LE CULTE DE BUDD BOETTICHER



The nice thing about the deaths in my movies was that somebody cared, even the guy who did the killing.” Budd Boetticher

Un des grands plaisirs pour un cinéphile qui se croyait averti, c’est de découvrir l’existence d’un cinéaste dont il ignorait l’existence et de partir à la découverte de sa filmographie. C’est ce qui m’est arrivé ces dernières années avec le réalisateur Budd Boetticher, dont je ne savais strictement rien jusqu’à ce que j’aperçoive son nom dans la liste des films cultes du premier volume de la série des livres CULT MOVIES.

On y mentionnait un western intitulé THE TALL T. Tiens donc ? Un western culte qui n’était PAS réalisé par John Ford (comme THE SEARCHERS, MY DARLING CLEMENTINE), Sergio Leone (ONCE UPON A TIME IN THE WEST), Sam Peckinpah (THE WILD BUNCH), Anthony Mann (MAN OF THE WEST), ou Howard Hawks (RIO BRAVO) mais par un réalisateur dont je n’avais jamais entendu parler ?? Mais qui était donc ce Budd Boetticher, admiré aujourd’hui (comme j’allais le découvrir) par des cinéastes comme Godard, Scorsese, Tarantino et Eastwood ?

Budd Boetticher était un de ces réalisateurs/aventuriers de la trempe de Sam Fuller (voir article ici), Robert Aldrich et autres durs-à-cuire arrivés au cinéma un peu par hasard. Dans le cas de Boetticher, le parcours fut particulièrement surprenant : il fut adopté à la naissance par un riche paternel âgé de 50 ans. Enfant unique et privilégié, tourmenté par ses camarades de classe, il se mit à la boxe pour pouvoir se défendre et devint un athlète accompli jusqu’au jour où une blessure au genou le força à limiter ses activités. La famille partit alors en voyage au Mexique où un évènement allait changer sa vie : il assista à une corrida et devint obsédé par l’idée d’apprendre les rudiments du métier de matador, ce qu’il fit avec beaucoup de talent et de courage. (Cette partie de sa vie allait inspirer le scénario de son premier succès au cinéma : le film THE BULLFIGHTER AND THE LADY (1951) mettant en vedette Robert Stack dans le rôle de Boetticher). L’entrée dans le monde du cinéma se fit tout à fait par hasard, alors que le producteur Hal Roach pensa de recommander Boetticher au réalisateur Robert Mamoulian qui cherchait un assistant pouvant montrer à l’acteur Tyrone Power comment tenir une cape de matador pour le film BLOOD AND SAND (1941). Fort de ce succès, Boetticher gravit ensuite tous les échelons, pour finalement devenir réalisateur de films de série B plus ou moins mémorables. C’est sa rencontre avec l’excellent scénariste Burt Kennedy qui allait tout changer : ce dernier lui écrivit des scénarios dignes de son talent (SEVEN MEN FROM NOW (1956), THE TALL T (1957), RIDE LONESOME (1959), COMANCHE STATION (1960), que Boetticher réalisa en y ajoutant sa touche bien personnelle d’humour et de considérations philosophiques sur le bien, le mal et les conséquences de nos actions.

C’est ce qui différencie les westerns de Boetticher de la majorite des autres westerns de serie B qui se faisaient à l’époque : les protagonistes, qu’ils correspondent au cliché des bons (l’omniprésent Randolph Scott, symbole même de la rectitude morale) ou des "mechants", demeurent des personnages complexes qui prennent souvent le temps de se remettre en question.

C'est le cas de l'excellent THE TALL T (1957) (Ne vous laissez pas décourager par les 15 premieres minutes du film qui comportent les pires éléments des westerns de l'époque : musique ringarde et humour à la Walt Disney ! Le récit démarre vraiment 20 minutes plus tard - voir l'extrait Youtube no. 3). Randolph Scott et un couple de nouveaux mariés sont kidnappés par trois truands (menés par Pat Boone). Dans le dialogue qui suit (3:32 à 5:18), le truand est présenté sous un jour étonnamment sympathique : il a les mêmes aspirations que Scott (s'acheter une terre et du bétail), mais a simplement choisi une façon différente d'atteindre son objectif.

Frank : - Un homme devrait avoir quelque chose qui lui appartient et dont il peut être fier
Brennan : - Et tu crois que c'est comme ça que tu vas l'obtenir ?
Frank : - parfois on n'a pas le choix ...
Brennan : - Vraiment ?



Dans le même extrait, à 7:00, revirement intéressant : Dans l'univers de Boetticher, même les truands ont un "code de l'honneur" et Frank, dégoûté de voir le nouveau marié offrir son épouse en rançon afin de sauver sa peau, n'hésite pas une seconde à le tuer ! ("I got sick of him, way down deep inside ..."). Brennan le confronte à nouveau sur ce choix:

Brennan : - Oui, ce qu'il a fait était mal, mais tu crois que c'était mieux de ta part de prétendre que tu marchais dans sa combine pour ensuite le tuer ?
Frank : - Si tu ne vois pas la différence entre les deux, je ne te l'expliquerai pas ...

Même lorsqu'il est question d'amour, Brennan a des leçons de morale à donner ! ;-) Dans la scène suivante (0:00 à 1:49), il confronte sans ménagement la nouvelle mariée sur ses choix jusqu'à ce qu'elle admette qu'elle a épousé son salaud de mari uniquement pour ne pas finir toute seule ... Constatant sa grande vulnérabilité, Brennan profite de la situation, histoire de bien lui montrer que "parfois, il faut cesser d'attendre que les choses nous tombent du ciel et il faut aller les chercher " !! (Sacré Brennan ! Incroyable ce mec ... ;-)



Le même genre de dilemme moral est présenté dans le film COMANCHE STATION (1960). Tout le long du film, un jeune cowboy (Richard Rust) se questionne à savoir s'il doit prendre pour modele l'honorable Randolph Scott ou le truand (Claude Akins) avec qui il voyage depuis quelque temps. Son choix sera fait en fonction de ce qu'il "ressent à l'intérieur de lui comme étant la bonne chose à faire" ("... what feels good inside"), consideration plutot inhabituelle pour un western, et qui ne sera pas sans conséquence (SPOILER : séquence ci-dessous, à 8:15)



On peut voir comment Clint Eastwood, fan de Boetticher, a pu être influencé par son oeuvre. Son film UNFORGIVEN comprend une séquence digne de Boetticher où le jeune partenaire d’Eastwood (Jaimz Woolvet), qui vient de tuer un homme pour la première fois de sa vie, se met à pleurer. Eastwood lui dit alors, à la manière d’un Randolph Scott, la fameuse réplique « It’s a hell of a thing, killing a man … You take away all he’s got, and all he’s ever gonna have”, résumant ainsi toute la philosophie des westerns de Boetticher : on ne peut échapper aux conséquences de nos actes et a leur impact sur nos vies.

Mort en 2001, Boetticher se moquait un peu des westerns modernes. Il avait dit en entrevue (après avoir vu UNFORGIVEN, sorti en 1992) : “Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Les hommes de cette époque étaient des gens ignorants, sans éducation. Jamais un seul d’entre eux n’aurait dit une réplique du genre : “Ma mère était une prostituée qui a connu un homme qui lui a lancé de l’acide en plein visage et c’est depuis ce jour que je déteste l’humanité …” Voyons donc ! Ils ne pensaient pas comme ça ! ” En effet, les cowboys du Far-West n’étaient certainement pas des âmes tourmentées prenant plaisir à s’auto-psychanalyser. Ils étaient plutôt semblables aux héros des films de Boetticher : laconiques, humbles et désireux de faire “ce qu’ils ressentaient comme étant la bonne chose à faire.”

Un peu comme Boetticher d’ailleurs qui, après avoir réalisé d’excellents westerns, fit ensuite cavalier seul et passa le reste de sa vie à se consacrer au seul projet qui lui tenait vraiment à cœur : réaliser un documentaire sur la vie de son ami matador Carlos Arruza (ARRUZA (1972), projet de longue haleine qui allait lui coûter sa fortune, son mariage et sa santé.

Un coffret des meilleurs films de Boetticher est paru l'an dernier, agrémenté de présentations et commentaires de Clint Eastwood, Martin Scorsese et Taylord Hackford (voir ici).

Le coffret comprend un excellent documentaire (que l'on pouvait visionner sur Youtube jusqu'à tout récemment) sur la vie de Budd Boetticher, dans lequel Clint Eastwood (accompagné de Quentin Tarantino) avoue carrément avoir piqué des idées à Boetticher. L'extrait n'est plus disponible, mais le court documentaire ci-dessous donne un bon aperçu de la carrière de Boetticher.



Boetticher étant admiré à l’époque par les critiques des CAHIERS DU CINÉMA, il était inévitable que Godard y fasse allusion dans un de ses films. Dans A BOUT DE SOUFFLE, Belmondo et Jean Seberg vont dans un cinéma parisien. Quand ils en ressortent (à 1:03) , on peut lire le titre du film sur la marquise : WESTBOUND réalisé par Budd Boetticher en 1959.

Friday, January 29, 2010

LES VOIX CULTES

Dans l'article sur le culte de JERRY LEWIS (ici), j'ai affiché l'extrait suivant en précisant que le comédien qui faisait le doublage (particulièrement démentiel dans ce cas-ci) s'appelait Michel Roux :



Il est possible que cette voix vous ait semblé familière ? Pas étonnant, car pendant plus de 40 ans, Michel Roux a prêté sa voix bien distincte a de nombreux acteurs américains, dont Jack Nicholson dans EASY RIDER et Elvis Presley dans FUN IN ACAPULCO. Maitre du doublage de film, Michel Roux était d'abord et avant tout un comédien et metteur en scène bien connu en France. Le voici d'ailleurs sur les planches (l'homme de droite, en tuxedo) :



Ca vous rappelle quelqu'un, cette voix ? Cela devrait, surtout si vous avez deja vu un seul épisode de la série télé AMICALEMENT VOTRE (THE PERSUADERS). He oui, la voix de Roux etait celle de Tony Curtis :

Voir extrait d'AMICALEMENT VOTRE en cliquant ici.

Vous pouvez consulter la voxographie (liste des films auxquels il a prete sa voix) de Michel Roux ici.

Roux est décédé en 2007. On se souviendra surtout de sa performance vocale dans la peau de l'inspecteur Clouseau (Peter Sellers) dans la série des films de la PANTHÈRE ROSE :



Et ma préférée : sa version bien à lui (et meilleure que l'original, selon moi) de la voix du psychiatre Fritz Wolfgang Sigismund Fassbinder (Peter Sellers) dans QUOI DE NEUF PUSSYCAT ? (1965) : "Immonde amalgame de chair putride, putride, putride ..."



D'autres comédiens ont atteint le statut de voix culte au fil des années, les plus connus étant :

MARC DE GEORGI (Voix de Robert Redford dans TROIS JOURS DU CONDOR, Tony Musante dans L'INCIDENT(ci-dessous), etc.) Voxographie ici.



HENRY DJANIK (Voix de Telly Savalas dans KOJAK, Anthony Quinn, ...). Voxographie ici.

Montage de quelques-unes de ses performances ici.

... et une réplique mémorable d'Henry Djanik dans la version française de IT'S A MAD MAD MAD MAD WORLD (1963) :



Autres voix cultes :

Le comédien québécois (et fils d'Olivier Guimond) Richard Darbois, qui double souvent Harrison Ford (entre autres dans BLADE RUNNER). (Voxographie ici)

George Aminel : Sylvestre le chat, Darth Vador, Charlton Heston dans LA PLANETE DES SINGES

René Arrieu : Lee Marvin (POINT BLANK, DIRTY DOZEN) , Fernando Rey (FRENCH CONNECTION), Jason Robards (IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST, LES HOMMES DU PRÉSIDENT), le Dr Heywood dans 2001 L'ODYSEE DE L'ESPACE, Oliver Reed dans LES DIABLES, Terence Stamp dans SUPERMAN 2, Peter Graves dans Y A-T-IL UN PILOTE DANS L'AVION ?

René Bériard : Le Dr Smith (Jonathan Harris) dans PERDUS DANS L'ESPACE, Alfred dans BATMAN

Jacques Thebault : Voix de Patrick McGoohan dans LE PRISONNIER, voix de Roy Scheider dans LES DENTS DE LA MER, voix de Steve McQueen dans BULLIT. (Voxographie ici).

Mel Hondo : La voix officielle de Eddie Murphy dans tous ses films.

Jacques Dynham : Voix de Jerry Lewis dans presque tous ses films.

Claude Bertrand : Voix de Eli Wallach dans LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND, voix de Roger Moore (LE SAINT, JAMES BOND et AMICALEMENT VOTRE)

Marc Cassot : Paul Newman dans la majorité de ses films.

Jean-Claude Michel : Voix de Sean Connery dans la majorité de ses films, Charlton Heston dans SOLEIL VERT, Clint Eastwood dans DIRTY HARRY.

Dominique Paturel : voix de David Vincent (Roy Thinnes) dans la serie LES ENVAHISSEURS, Leslie Nielsen dans Y A-T-IL UN PILOTE DANS L'AVION ? Lee Majors dans L'HOMME DE SIX MILLIONS et surtout J.R. (Larry Hagman) dans la serie DALLAS.

Tuesday, January 26, 2010

L'AVATAR DE CAMERON N'EST PAS CELUI QU'ON CROIT



Je viens tout juste de voir AVATAR (version 3- D). Impressionnant visuellement, mais pour ce qui est du scénario, disons que si un avatar est la reproduction de ce qui existe déjà sous une autre forme, alors le film de Cameron en est lui-même tout un !

Je n'apprendrai rien à personne en disant que le scénario rappelle beaucoup DANCES WITH WOLVES (tellement de critiques l'ont déjà dit, et avec raison), mais le hic, c'est qu'il rappelle aussi des moments clés de films comme PLANET OF THE APES (scène ou Scully est capturé par un groupe de Na'vis à chevaux), STARSHIP TROOPERS (bassin d'eau où flotte l'avatar de Na'vi rappelant celui dans lequel on « réparait» Caspar Van Dien), mais surtout un épisode complet de la série culte THE OUTER LIMITS/AU-DELA DU REEL (l'épisode THE CHAMELEON - 1964) dont Cameron doit être un fan, puisque son film TERMINATOR s'inspirait lui aussi de deux épisodes de la célèbre série (SOLDIER et DEMON WITH A GLASS HAND), dont j'ai déjà parlé ici.

Ce qui est bien avec l'internet, c'est que grâce à Youtube, il est possible de vous montrer où il a piqué ses idées :(Mise à jour novembre 2010 : je viens de me rendre compte que MGM, qui détient les droits de la série OUTER LIMITS, en a retiré tous les extraits qui se trouvaient sur youtube !! Merde, tout mon article reposait la-dessus ... Mais rien ne vous empêche de louer l'épisode THE CHAMELEON pour constater ou Cameron a trouvé son inspiration pour AVATAR)

Dans THE CHAMELEON, Robert Duvall joue le rôle d'un agent américain qui doit infiltrer un groupe d'extra-terrestres. Pour ce faire, on le transforme en extra-terrestre (Tiens donc ! ;)

Details du processus de transformation a 2:10, puis transformation a partir de 7:00 :



Tout comme dans le film de Cameron, les extra-terrestres du CHAMELEON savent très bien que Duvall est un avatar et en viennent à sympathiser avec lui (a partir de 7:14) : "It's a good impersonation Earthman, but we know who you are, the way one of your dogs can tell a cat ..."



Dans AVATAR, le commandant sent que Scully est en train de changer de camp et il le sort de son sommeil pour lui rappeler quelle est sa véritable mission; dans THE CHAMELEON, l'agent du gouvernement constate la même chose et envoie un signal sonore à Duvall pour lui rappeler qu'il a une mission à accomplir (a 6:10):



Finalement, tout comme Jake Scully dans AVATAR, Duvall choisit de se rallier aux extra-terrestres et part avec eux (a partir de 1:00):



Sacré Cameron ! Il croit peut-être que personne ne se souvient d'une vieille série des années 60s ! L'ecrivain Harlan Ellison, lui, s'en est souvenu assez pour poursuivre Cameron (et gagner sa cause) afin d'obtenir la reconnaissance de la paternité des idées que Cameron avait piquées dans les deux épisodes de OUTER LIMITS qu'Ellison avait écrits (SOLDIER et DEMON WTH A GLASS HAND).

Dans l'épisode SOLDIER, deux soldats du futur sont transportés dans le passé (donc notre présent, dans ce cas-ci 1964). À 4:18, le soldat apparaît soudainement en pleine ville, comme Schwarznegger dans TERMINATOR :



Il fallait trouver une motivation pour le combat entre Kyle Reese (Michael Biehn) et le Terminator. Cameron la prendra dans l'épisode DEMON WITH A GLASS HAND. Elle sera la même que le personnage de Trent (Robert Culp), qui détient entre ses mains la survie de la race humaine et doit la protéger coûte que coûte. (Seule différence, dans GLASS HAND, Trent est un androide qui protège la race humaine, alors que dans TERMINATOR, l'androide (Arnold) veut l'exterminer (en tuant Sarah Connors).

Explications donnees par "LA MAIN DE VERRE" a 3:48 (Je vois que l'extrait n'y est plus, mais il y en a un autre ici Voir a 4:00)
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* Il se peut que l'édifice du dernier extrait vous dise quelque chose : c'est le fameux Bradbury Building de Los Angeles, ou a été filmée, entre autres, la finale de BLADE RUNNER !