Tuesday, September 8, 2009

INGLORIOUS BASTERDS (2009)



Comment passer sous silence la sortie de INGLORIOUS BASTERDS, le dernier film de Quentin Tarantino ? Surtout que ce blogue a jusqu’ici mentionné de nombreux films auxquels Tarantino a déjà emprunté d’importants éléments (CHARLEY VARRICK, KISS ME DEADLY, les films de Samuel Fuller, etc.). Et puis, tout comme le reste de la filmographie Tarantinienne, BASTERDS deviendra probablement un film culte, alors … Allons y gaiement ! (En prévenant les lecteurs qui n’ont pas encore vu le film que ce texte comprend de nombreux SPOILERS !)

Dans l’ensemble, j’ai bien aimé le film, même s’il repose sur une prémisse qui est foncièrement illogique, c’est-à-dire (ATTENTION SPOILERS) : Pourquoi Hans Landa, personnage apparemment si fier de ses talents de détective et de ses nombreuses captures, LAISSE-T-IL S’ÉCHAPPER SHOSANNA au début du film ?? Il (ou ses trois sbires) aurait pu facilement l’abattre, mais il ne le fait pas ? POURQUOI ??

RÉPONSE : Parce que sinon IL N’Y AURAIT PAS DE FILM ! Bon sang mais c’est bien sûr ! ;-)

Non mais sérieusement, je croyais que ce détail nous serait éventuellement expliqué, mais il n’en est rien, et cet “illogisme’’ se révèle donc être une simple manœuvre scénaristique fort utile pour Tarantino mais légèrement agaçante pour tout spectateur soucieux de logique … Il en sera de même pour de nombreux autres points dans le film (ex : la securite plutot laxiste dans un cinema regroupant tout le haut commandement du IIIeme Reich), jusqu’à ce que chacun comprenne que la logique n’est ici pas de mise et qu’il faut accepter de se laisser porter par la magie Tarantinienne, qui fonctionne plus souvent qu’autrement.

Bien sûr, qui dit Tarantino dit nécessairement hommages ou emprunts à d’autres cinéastes, et je ne vois personnellement rien de mal à cela. (Le tout avait déjà été discuté amplement ici). En fait, je suis d’accord avec Jim Jarmusch lorsqu’il dit :

" Rien n'est original. Volez à partir de n'importe où du moment que cela entre en résonance avec votre inspiration et nourrit votre imagination. Dévorez les vieux films, les nouveaux, la musique, les livres, les peintures, les photos, les poèmes, les rêves, les conversations diverses, l'architecture, les ponts, les panneaux de signalisation, les arbres, les nuages, les plans d'eau, la lumière et les ombres. Ne sélectionnez que les choses à voler qui parlent directement à votre âme. Si vous faites cela, votre travail (et larcin) sera authentique.On ne peut pas mettre de prix sur l'authenticité, l'originalité quant a elle n'existe pas.Et ne vous embêtez pas à cacher le résultat de votre vol - Célébrez-le si vous vous le sentez. Dans tous les cas gardez à l'esprit ce que disait Jean-Luc Godard : Ce n'est pas d'où vous prenez les choses - mais où vous les amenez."

Cela dit, les hommages dans le film sont nombreux, alors je ne m’attarderai qu’au plus évident, soit celui du premier chapitre (la rencontre entre Hans Landa et M. Lapadite). Tout cinéphile qui se respecte saura que Tarantino est un grand fan du BON, LA BRUTE ET LE TRUAND de Sergio Leone. On ne sera alors pas surpris de reconnaître dans ce premier chapitre la plupart des éléments qui faisaient la force de la séquence du BON, LA BRUTE où apparaît Lee Van Cleef pour la première fois : même prise de vue éloignée de la menace qui arrive au loin, même réaction du père de famille qui dit aux enfants de sortir et qui invite l’intrus à s’asseoir à sa table, même finale explosive, etc.) (voir extrait ci-dessous). Même la musique (thème au piano ressemblant fortement aux premières notes de la pièce FUR ELISE de Beethoveen) rappelle Ennio Morricone (en particulier le "stinger" musical entendu à la fin de la scène, lorsque Shosanna s'échappe, qui est sensiblement le même que celui de la scène ci-dessous.




Tarantino parsème le film d’une multitude d’autres allusions : le court montage relatant les exploits du Sgt Hugo Stiglitz le montre plaçant une oreiller sur le visage d’une de ses victimes pour ensuite la poignarder à travers l’oreiller, ce que faisait aussi Lee Van Cleef dans LE BON LA BRUTE (mais avec un revolver). Comme le film comporte de nombreux personnages allemands, Tarantino n’a pu s’empêcher d’en appeler un Wilhelm (le cpl Wilhelm Wicki qui fête la naissance de son fils dans la taverne), soit en référence au cinéaste allemand George Wilhelm Pabst, soit en référence au fameux Wilhelm Scream, ce cri utilisé à toutes les sauces dans une myriade de films hollywoodiens depuis les années 50s (et utilisé par Tarantino dans le dernier chapitre des BASTERDS, durant la projection du film NATION’S PRIDE).

Tarantino a encore une fois ici recours à une technique moult fois utilisée par Hitchcock afin de créer le suspense, c’est-à-dire la révélation, par un détail visuel ou sonore, d’un élément d’information qui laisse présager une violence inévitable mais qui tarde à venir (ex : dans le premier chapitre, alors que la conversation semble s’éterniser, on nous montre soudainement la présence de juifs sous le plancher, ce qui sème immédiatement l’émoi chez le spectateur qui pressent avec raison que tout cela va mal se terminer; même chose pour l’arrivée du Jew Bear, annoncée par le son de son bâton de baseball qu’il frappe sur le mur du tunnel alors que la caméra fait un lent zoom vers celui-ci; même chose lorsque Landa revoit Shosanna au restaurant et qu’il lui commande un verre de lait (Ciel ! Il sait qui elle est !) ou dans la scène du bar, lorsque l’officier Nazi regarde les trois doigts du soldat britannique déguisé en officier nazi (Ciel ! Il vient de le démasquer !); bref, technique de suspense efficace, certes, mais rien de bien nouveau …

Ce qui est selon moi TRÈS audacieux de la part de Tarantino, c’est d’avoir délibérément choisi de ne pas axer l’action du film sur les Basterds et ce, MALGRÉ QUE LA BANDE-ANNONCE AIT ÉTÉ PRINCIPALEMENT AXÉE LA-DESSUS (et sur la présence de Brad Pitt) ! Il a pris le risque de décevoir de nombreux spectateurs qui s’attendaient probablement à voir un remake des 12 SALOPARDS à saveur Tarantinesque. On a l’impression qu’il a inséré les quelques scènes des Basterds (qui détonnent un peu avec le reste du film) uniquement pour faire plaisir à ce public, mais qu’en fait il est en train de nous dire : "Oui, j'aurais pu vous faire plaisir et réaliser ce genre de film, et je vous en donne même un aperçu, MAIS je préfère vous raconter l'histoire de la vengeance de Shosanna qui est beaucoup plus intéressante, et si vous me faites confiance, vous resterez jusqu'à la fin et je vous le prouverai !" Et il nous le prouve de façon magistrale !

Saluons aussi l' audace dont il fait preuve en n'hésitant pas à éliminer de façon tout à fait inattendue certains de ses personnages principaux, comme il l'avait déja fait dans PULP FICTION (John Travolta tué par Bruce Willis) et dans RESERVOIR DOGS (tous les DOGS) !

Dialogues favoris :

Shosanna : " En France, nous respectons les réalisateurs."

Bridget Von Hammersmarck : " Est-ce que vous Américains pouvez parler une autre langue que l’anglais ??!!"

Moment qui m’a bien fait rire : Lors de la présentation de Pitt et de ses acolytes déguisés en cinéastes italiens, le geste de la main fait par le soldat (Omar Doom) pour bien montrer qu’il est italien !! Trop drôle !

Moment particulièrement impressionnant : Durant la projection de NATION’S PRIDE, le projectionniste noir entrouvre la porte de la salle de cinéma où l’on voit une scène du film durant laquelle l’héroique soldat Frederick Zoller grave au couteau la croix gammée sur une planche de bois, ce qui provoque une réaction délirante de la part des spectateurs nazis.

Référence psychotronique : le faux nom utilisé par Shosanna est Emmanuelle Mimieux, même nom que l'actrice Hollywoodienne Yvette Mimieux, vedette du film culte grindhouse JACKSON COUNTY JAIL (1976), film faisant partie des films favoris de Tarantino et dans lequel elle interprète une héroine assoiffée de vengeance (à la Kill Bill) suite aux mauvais traitements qu'elle a reçus de la part de policiers Red Neck de Jackson County.

Autre détail amusant : Yvette Mimieux jouait aussi dans le classique de science-fiction THE TIME MACHINE (1960) aux côtés de l'acteur Rod Taylor ... qui joue le vieux Winston Churchill dans INGLORIOUS BASTARDS !!

3 comments:

  1. Merci d'avoir relevé la référence à Yvette Mimieux ! J'ai tout de suite pensé à elle quand Shosanna s'est présentée sous son pseudonyme; mais sans trop savoir si la référence avec la blonde actrice de "The Time Machine" était voulue ou non ;-)

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  2. Salut,

    Je viens de découvrir ton site, vraiment cool!!!

    Par contre par rapport a Landa et Shoshana, et pouquoi il la laisse filer...POUR LE SPORT DE LA RETROUVER bien sur! Son trippe c'est de jouer au détective et non de bêtement tirer dans le dos. Ce n'est pas une erreure de logique et de scénario car Il fait exprès de la laisser s'échapper, pour LE PLAISIR de la retrouver un jour...C'est tout à fait en ligne avec son personnage...Et quand il la vise dans le dos, il le sait qu'il peux la tuer puis il sourit et dit une phrase style "à la prochaine" si tu revoit la scène.
    A+
    Encore une fois super site.
    Maurice

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  3. D'accord avec toi, c'est probablement la raison la plus probable ... C'est juste que je me demandais si un officier Nazi pouvait se permettre de laisser fuir une juive de facon si evidente sans avoir a en payer lui-meme le prix ... (Mais je suis ici beaucoup trop "rationnel" pour ce film somme toute fantaisiste qui reinvente l'Histoire )

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